Dans le cadre du programme France 2030, l’État français a annoncé le lancement officiel du programme FILAE, initié par l’Institut de Recherche Technologique (IRT) Saint Exupéry. Ce programme vise à soutenir l’électrification des aéronefs légers et à préparer l’avenir de l’aviation commerciale en mettant l'accent sur la décarbonation et l’innovation technologique.
Le programme FILAE comprend 12 projets entre 2024 et 2031 pour un montant total de 60 millions d’euros. (Photo IRT)
Le programme FILAE, abréviation de « FILière Aéronautique Électrique », a été officiellement lancé par l’État français pour soutenir les technologies d’électrification des avions légers (appareils CS23) et anticiper l’électrification de l’aviation commerciale (CS25). Ce programme s’inscrit dans un contexte global où, en 2022, l’industrie aéronautique a pris un engagement fort par l’intermédiaire de l’Air Transport Action Group (ATAG) : atteindre la neutralité carbone pour les vols de l’aviation civile internationale d’ici 2050. Ce défi ambitieux nécessite des efforts concertés et une recherche soutenue pour surmonter les obstacles technologiques à l’électrification.
Né de la collaboration entre l’IRT Saint Exupéry, l’ISAE-Supaéro et l’ONERA en 2020, FILAE se distingue par son approche multi-sectorielle. En rassemblant des acteurs des secteurs aéronautique, automobile et ferroviaire, le programme vise à lever les verrous technologiques qui freinent l’électrification de l’aviation.
Lionel Bourgeois, directeur technologique et scientifique de l’IRT, souligne que « ce programme de projets est unique dans la mesure où nous mettons en commun des forces issues de plusieurs filières pour optimiser l’électrification des appareils ».
Des objectifs clairs pour l’électrification
Le programme FILAE repose sur trois objectifs principaux. Premièrement la compétitivité. Il s'agit de développer des briques technologiques essentielles pour une chaîne propulsive électrique et/ou hybride applicable aux différentes gammes d’aéronefs. Deuxièmement la formation et recherche amont. Cela permet de contribuer à la mise en place de cursus de formations initiales et continues, incluant des Écoles Universitaires de Recherche, des thèses et des post-doctorats, pour former les nouvelles générations de professionnels de l’électrification. Troisièmement la coopération. Ici, c'est de positionner l’IRT Saint Exupéry comme un acteur clé capable d’activer les synergies entre le secteur aéronautique et d’autres secteurs, notamment l’électronique, l’automobile et le ferroviaire, ainsi qu’entre les acteurs publics et privés.
FILAE englobe un programme scientifique, comprenant la réalisation de douze projets entre 2024 et 2031. Le budget total alloué à ces projets est de 60 millions d’euros, dont 40 millions d’euros sont spécifiquement réservés à des projets multi-filières, avec 20 millions d’euros optionnels pour des initiatives supplémentaires.
Ils se composent de l’électronique de puissance embarquée, de la densification des systèmes électriques et de la durabilité des systèmes électriques. Pour atteindre ces objectifs, l’IRT Saint Exupéry étudie six leviers cruciaux pour améliorer la performance de la chaîne électrique :
- Composants électroniques « grand gap » : Recherche sur des matériaux et des composants innovants qui peuvent fonctionner efficacement à des températures élevées.
- Protections et organes de connexion/déconnexion : Développement de solutions robustes et sécurisées pour la gestion des connexions électriques.
- Matériaux pour l'électrique : Étude de nouveaux matériaux pour l'isolant et la protection des composants électriques.
- Connectiques et câbles : Optimisation des câbles pour garantir une transmission efficace et sécurisée de l’énergie.
- Stockage de l’énergie : Innovations dans le domaine des batteries et des systèmes de stockage d’énergie pour l’aviation.
- Machines électriques : Développement de moteurs électriques adaptés aux exigences de l’aviation.
Plus de 80 chercheurs, doctorants et post-doctorants participeront à ces projets jusqu’en 2031. Thomas Delsol, responsable du programme FILAE, affirme que « FILAE est une première, quant à son montage associant plusieurs IRT et ITE, son ambition, le nombre de partenaires et le budget associé ».
Feu vert pour les projets pilotes
En juillet dernier, le programme a reçu le feu vert du secrétariat général pour l’investissement (SGPI) pour deux projets initiaux, SiCRET+ et GRINHELEC, illustrant ainsi le soutien concret de l’État français à cette initiative.
Le projet SiCRET+, doté d’un budget de 6,7 millions d’euros, a pour objectif d’évaluer la fiabilité des modules en carbure de silicium (SiC) dans des conditions environnementales sévères. Les travaux de recherche se concentrent sur la compréhension du vieillissement de ces modules et visent à créer des modèles prédictifs pour anticiper leur durée de vie. Ce projet implique un consortium multi-filières, réunissant des acteurs majeurs de l’aéronautique, du ferroviaire, de l’automobile, du spatial et de l’énergie, ainsi que des laboratoires de recherche tels que le SATIE, l’IMS et Ampère. Le projet est co-piloté par l’ITE SuperGrid Institute et l’IRT Saint Exupéry, membres de l’Association FIT (French Institute of Technology).
- Comprendre le vieillissement des modules SiC : Des essais de type « power cycling test » sont menés pour analyser le comportement des modules SiC sous différentes contraintes environnementales, notamment l’humidité et les radiations cosmiques.
- Améliorer l’utilisation en parallèle de puces : Ce projet cherche à développer des technologies d’essai adaptées aux nouvelles puces en carbure de silicium, permettant ainsi aux utilisateurs finaux de définir des critères optimaux pour le choix et le tri des puces en fonction d’applications spécifiques.
- Créer des modèles prédictifs de vieillissement : Ces modèles, prenant en compte le profil d’utilisation spécifique à chaque application, permettraient aux industriels d’anticiper le nombre de commutations prévu pour une puce donnée et d’évaluer sa durée de vie.
Le second projet, GRINHELEC, reçoit un budget de 3,2 millions d’euros et vise à développer des câbles aéronautiques plus respectueux de l’environnement. Dans un contexte où la réglementation européenne prévoit de restreindre l’utilisation des polymères fluorés, GRINHELEC ambitionne de rendre possible l’utilisation d’un isolant bio-sourcé en remplacement des isolants fluorés actuellement utilisés pour les applications de propulsion électrique. Ce projet réunit des industriels tels qu’Airbus, Arkema, Nexans, Safran et Souriau, ainsi que des laboratoires de recherche comme le CIRIMAT, l’IMP et le LAPLACE.
Impact environnemental et sociétal
Au-delà des aspects techniques, le programme FILAE intègre également une analyse approfondie des impacts environnementaux, sociétaux et économiques de l’électrification de l’aviation. Cette démarche holistique est essentielle pour garantir que les innovations technologiques bénéficient non seulement aux acteurs de l’industrie, mais également à la société dans son ensemble.
Denis Descheemaeker, directeur général de l’IRT Saint Exupéry, souligne l’importance de cette initiative : « FILAE est un programme ambitieux et nous remercions les acteurs de l’État de leur confiance. Avec nos partenaires académiques et industriels, nous adresserons les premiers projets dont les retombées permettront notamment aux acteurs de l’aviation légère d’intégrer les briques technologiques dont ils auront besoin. La décarbonation de l’aéronautique est une nécessité et l’électrification une réalité. Je suis fier que l’IRT Saint Exupéry engage cette démarche ».
