ESPACE : Space Systems d’Airbus Défense & Space : pourquoi l’innovation reste le fer de lance du campus toulousain ?





Satellite Alphasat

Sans maintenir une très forte capacité d’innovation technique  le pôle toulousain de Space Systems d’Airbus Défense & Space (ADS) perdrait rapidement sa place de premier campus européen de l’espace. La moitié de ses activités dépendent de l’export ailleurs qu’en Europe, où les acheteurs choisissent sans état d’âme sur le marché les meilleures technologies disponibles au moindre prix. Près de 3000 salariés au total sur le site avec la sous-traitance et au moins autant dans la filière industrielle sont directement concernés !  « La sanctuarisation » de l’effort d’innovation par ADS permet d’envisager l’avenir sereinement en  préservant la dynamique des équipes.

 

Revue de détails des domaines d’excellence du pôle toulousain qui permettent de faire la différence  par rapport à la concurrence dans l’avionique, l’instrumentation optique, les matériaux, les charges utiles de télécommunication….  

Dans l’observation de la terre, les technologies imaginées par les ingénieurs du campus toulousain, contribuant à l’agilité des satellites, constituent un avantage compétitif. Les deux satellites Pléiades qui défilent aujourd’hui au-dessus de la terre (694km) à 7km/secondes, peuvent basculer sur eux-mêmes de 60° en moins de 25s ! Cette agilité élargit considérablement la capacité d’acquisition d’images utiles  des satellites d’observation grâce à la conception d’actionneurs gyroscopiques et des lois de pilotages spécifiques.
Dans les
matériaux, ADS a innové avec  la maîtrise du SiC, le carbure de silicium, pour réaliser des télescopes et les instruments optiques associés, à la fois très légers et dotés d’une grande stabilité thermique, deux qualités remarquables pour les applications spatiales. Le centre spatial s’est appuyé sur l’expertise technique de la société Boostec de Bazet (65) et le concours du CEA pour  intégrer le SiC sur tous ses satellites d’observation et pour des applications dans les sciences depuis une quinzaine d’années. Le 1er télescope en SiC a été fabriqué pour la sonde Rosetta lancée il y a dix ans et qui vient de  rejoindre la comète
Tchourioumov-Guerassimenko à plus de 6 milliards de km. Pour le télescope Herschel avec son miroir de 3,5 m, le SiC a été moteur dans la compétition remportée face aux USA comme pour plusieurs satellites d’imagerie satellitaire gagnés  en Thaïlande, au Chili, en Algérie, à Taiwan. L’extrême stabilité du SiC est aussi exploitée sur le satellite GAIA qui a  démarré le recensement du milliard d’étoiles  de notre galaxie. En 2013, ADS a décroché la mission scientifique Euclid auprès de l’ESA avec son télescope en SiC qui mesurera la « matière noire ».

 

La recherche d’excellence se joue aussi dans les systèmes. La propulsion tout électrique fait partie des sujets depuis longtemps des équipes d’ADS utilisée sur plusieurs satellites en orbite comme Alphasat, ou futur sur BEPI Colombo,.. ADS a été le premier industriel à embarquer des batteries lithium Ion. L’ambition est maintenant de remplacer  la propulsion chimique utilisée pendant la phase de mise à poste des satellites de télécommunication. Si les américains ont tiré les premiers avec plusieurs contrats l’an dernier, l’Europe compte valider des solutions compétitives notamment lors du programme NEOSAT. « L’enjeu c’est d’arriver à manager la phase de transfert plus rapidement » relate Serge  Flamenbaum, vice-président, responsable de l’innovation d’ADS.

En observation de la terre, avec le projet GO-3S, de satellite géostationnaire à 36 000 km, ADS propose pas moins de « révolutionner » les systèmes actuels d’imagerie spatiale pour offrir  la possibilité de suivre en quasi temps réel et vidéo, un même point, en THR, en très haute résolution. Le satellite pourrait « voir » près d’1/4 de la terre afin de surveiller entre autres des théâtres d’opérations militaires, d’éventuels dégazages en haute mer ou d’autres missions en cours d’évaluation. Les ingénieurs d’ADS prévoient d’exploiter les briques techniques existantes comme le SiC avec un télescope de 4,2 mètres de diamètre ou en innovant pour une mission à l’horizon d’une dizaine d’années.

A plus courte échéance, la course technologique dans les satellites d’imagerie  sur l’orbite héliosynchrone se poursuit. D’ores-et-déjà le renouvellement des satellites Spot 6 et Spot 7 est envisagé afin de préserver la compétitivité dans les 3 à 4 prochaines années de toute la chaîne de services de Geo Information (Spot Image, Infoterra). Un des principaux concurrents US, DigitalGlobe va placer en orbite Worldview 3 avec une résolution de 30 cm pour une capacité d’acquisition journalière de 700 000 km2. Quand le gouvernement américain prévoit d’acheter près de 7 Mrd$ d’images satellites en soutenant son industrie sur plusieurs années, ADS a financé sur fonds propres Spot 6 et 7. « Il est nécessaire d’investir pour mettre à niveau la filière d’imagerie, la plateforme, le système et le traitement d’image avec le soutien de l’Etat ».

Dans les charges utiles de télécommunication,  la prochaine rupture c’est l’arrivée de la communication optique pour  les flux du THD, le très haut débit jusqu’au térabit/s entre le sol et le satellite. Les premières liaisons laser ont déjà été testées en orbite dans l’espace avec les missions Silex, LOLA, Alphasat. ADS travaille avec le Cnes et des partenaires en Europe sur ces futures liaisons sol/bord qui vont modifier en profondeur  le design des satellites tout en contribuant à réduire la fracture numérique sur la terre.

Innover mais en réseau !

Le Campus toulousain n’innove pas tout seul. « Nous sommes très ouverts vers tous ceux qui innovent autour de nous en adaptant au besoin les technologies au spatial» indique S. Flamenbaum. Toutes les équipes d’ADS présentes en Angleterre, en Allemagne, en Espagne y participent. Avec l’extérieur, de nombreux équipements sont mises au point avec les fournisseurs. Exemple la  centrale inertielle avec les quatre gyroscopes à fibre optique embarqués sur les satellites d’observation comme Pléiades, ont été réalisés par la société française Ixsea avec ADS. Les laboratoires académiques  sont aussi des contributeurs stratégiques de l’innovation. Exemple. Depuis 1998, plusieurs générations de détecteurs CMOS sont issues des travaux communs entre l’ISAE (Sup’Aero) et ADS qui ont suscité la création de la chaire Cristal. Les premiers capteurs ont volé pour la mission GOCI il y a plus de 15 ans, embarqués ensuite sur les satellites d’observation et sur la nouvelle génération Sentinelle 2 de l’ESA. Les équipes sont à pied d’œuvre depuis deux ans sur des projets de R & D dans le cadre de l’IRT, l’Institut de recherche technologique dont les équipements et démonstrateurs seront installés sur Montaudran Aerospace. ADS compte aussi en parallèle faciliter l’exploitation de l’innovation en dehors du spatial pour développer de nouvelles activités économiques notamment via l’ESA BIC Sud France, l’incubateur de l’Agence Spatiale Européenne piloté par Aerospace Valley. Lancé l’automne dernier, les cinq premiers porteurs de projets ont été sélectionnés.

 

Protéger la propriété intellectuelle

 

« L’idée c’est de protéger notre innovation et d’éviter de se faire piller ou piéger » résume  Pierre Temembaum en évoquant la politique de protection intellectuelle déployée dans l’entreprise. La guerre économique sur ce plan n’a jamais été aussi intense.

Diffusé le 3 mars 2014
par Jean-Luc Bénédini

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