La région Occitanie, notamment l'ex-région Midi-Pyrénées, voit son secteur aérospatial se transformer en un véritable moteur économique au fil des décennies. De 17 000 emplois en 1982 à 81 000 en 2022, l'industrie aéronautique et spatiale a non seulement soutenu les autres secteurs mais a aussi profondément modifié la dynamique de l'emploi dans la région.
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Depuis les années 1980, l’emploi aérospatial progresse de manière quasi ininterrompue malgré les crises économiques successives. (Photo Airbus)
L'histoire de l'aérospatiale en Occitanie, et plus spécifiquement dans l'ex-région Midi-Pyrénées, a commencé à la fin du 19e siècle, bien avant de devenir l'un des principaux moteurs économiques du sud de la France. L'industrie a pris un essor industriel lors de la Première Guerre mondiale avec les commandes militaires pour les usines Latécoère. Cependant, c'est véritablement à partir des années 1980 que la filière aéronautique et spatiale connaît un développement fulgurant, avec des projets emblématiques tels que l'A320 pour l'aéronautique et Ariane V pour le spatial. En 1982, la filière comptait 17 000 salariés ; ce chiffre à explosé pour atteindre 81 000 en 2022, une multiplication par trois en 40 ans. Cette croissance est le reflet d'une dynamique locale bien ancrée dans le tissu économique régional, où l'aéronautique et le spatial occupent désormais une place dominante. En 1982, la part des salariés dans la filière représentait 2% de l'emploi total dans la région ; en 2022, cette partie a triplé, atteignant 6%.
L'essor rapide de cette industrie est alimenté par la forte demande internationale dans les secteurs de l'aviation commerciale et du spatial, et par l'innovation continue des entreprises locales. Toulouse, en particulier, bénéficie de cette montée en puissance, consolidant son rôle de capitale européenne de l'aérospatiale.
Toulouse : l'épicentre de l'aérospatiale mondiale
Toulouse, et plus particulièrement la Haute-Garonne, reste le centre névralgique de l'industrie aéronautique et spatiale en Occitanie. En 2022, ce département concentre plus de 80% des emplois aérospatiaux de l'ex-région Midi-Pyrénées, et il abrite la quasi-totalité des emplois liés au spatial. La progression est d'autant plus marquante lorsque l'on observe la part de l'emploi industriel consacrée à l'aérospatiale, qui est passée de 18% en 1982 à 52% en 2022. Cette dynamique se manifeste aussi bien dans l'industrie que dans les services à proximité des grands sites de production.
La concentration de ces activités dans le périmètre de Toulouse se renforce encore avec le développement d'une "méga-usine" Airbus à Blagnac, inaugurée en 2004 pour assembler l'A380, qui reste l'une des plus grandes usines d'Europe. L'impact de cette concentration est visible dans la périphérie toulousaine où les établissements tertiaires liés à la filière aérospatiale se sont fortement développés. Les entreprises, dont des géants comme Capgemini et Sopra, y ont installé des antennes dédiées à l'ingénierie et aux services informatiques, soutenant ainsi l'innovation et la production à grande échelle.
Sous-traitance et tertiarisation : un secteur en mutation
Un autre aspect marquant de l’évolution de l’aérospatiale en Occitanie est l’essor de la sous-traitance. Alors qu'en 1982, les constructeurs représentaient 70 % des emplois dans la filière, aujourd'hui, ce pourcentage a diminué à 50 %. L'augmentation de la sous-traitance a favorisé une diversification des compétences dans des domaines comme l'ingénierie, l'informatique et l'automatisation. La forte demande pour des services "clé en main" de la part des géants comme Airbus et Boeing a incité la filière à se restructurer, entraînant une explosion des emplois dans des entreprises spécialisées.
Ainsi, l'aéronautique a largement quitté son caractère exclusivement industriel pour se diversifier dans les services. En 1982, 88 % des emplois dans la filière étaient industriels ; en 2022, ce chiffre est tombé à 67%, tandis que la part des salariés dans le secteur tertiaire (services, ingénierie, informatique) a considérablement augmenté pour représenter un niveau des emplois de la filière. Cette diversification est l'une des raisons pour lesquelles la filière a pu faire face aux crises successives, en particulier la crise de 2008 et la pandémie de Covid-19.
La filière aérospatiale : bénéfice pour toute la région
Tous les départements de l'ex-région Midi-Pyrénées ont profité de l'essor de l'aérospatiale. Si Toulouse et la Haute-Garonne restent les pivots de cette industrie, d'autres zones ont également connu une forte croissance. Dans le Lot, par exemple, l'entreprise Figeac Aéro, spécialisée dans l'usinage de pièces pour l'aéronautique, a renforcé la position de la région comme un acteur clé de la chaîne de valeur aéronautique. Le Lot est aujourd'hui le deuxième département de l'ex-région Midi-Pyrénées en termes d'emplois aérospatiaux.
De même, les Hautes-Pyrénées bénéficient également de cette dynamique, notamment grâce à des acteurs comme Daher, qui fabrique des avions et produit des éléments pour Airbus et Dassault. Même si la croissance dans ces départements est moins marquée que dans la Haute-Garonne, ces territoires jouent un rôle important dans l'écosystème aérospatial régional.
Des défis à relever : la concurrence mondiale et les tensions dans le secteur spatial
Si l'aérospatiale en Occitanie est aujourd'hui un modèle de réussite, elle n'est pas à l'abri des défis à venir. Le secteur spatial, en particulier, fait face à une concurrence croissante avec des acteurs privés comme SpaceX, qui modifient les règles du jeu. Cependant, la demande pour les satellites et les nouvelles technologies spatiales reste forte, et la région bénéficie d'une position stratégique pour se maintenir à la pointe de l'innovation dans ce domaine.
Par ailleurs, les pressions sur la production et l'augmentation des cadences posent des défis aux grands avionneurs comme Airbus et Boeing, qui doivent sans cesse améliorer leur productivité tout en respectant des normes strictes de sécurité et de qualité. Cela nécessite un engagement continu dans la formation des salariés et l'adoption de technologies de pointe, notamment dans les secteurs de l'intelligence artificielle et de l'automatisation des processus de production.
Cet article est basé sur un rapport de l'INSEE, qui analyse l'évolution de la filière aérospatiale en Occitanie au cours des 40 dernières années.