Interview Michel Déléris, PDG de Jedo Technologies
« Le jet d’eau est une alternative pertinente pour usiner les composites et alliages durs utilisés dans l’aéronautique »
L’entreprise a été pionnière en 1987 en se positionnant sur la découpe jet d’eau. Elle a ouvert la voie sur ce marché de niche peu connu en France si ce n’est de quelques industriels de l’automobile. Passionné par les automatismes et l’univers des machines spéciales, le fondateur de la société, Michel Déléris a choisi dès le départ, d’orienter son offre sur la découpe de précision, les pièces finies…ciblant les matériaux non usinables ou difficiles à travailler par les méthodes conventionnelles.
25 ans après sa création, Jedo Technologies est à nouveau précurseur avec cette fois-ci la construction de deux équipements jet d’eau innovants, une première mondiale que détaille le PDG de la PME.
Entreprises Midi-Pyrénées : De prestataire de service vous êtes devenus concepteur de machines : comment s’est opérée cette évolution ?
Michel Déléris : Compte tenu de l’évolution des matériaux et de l’expertise acquise sur la découpe jet d’eau, nous avons engagé depuis 6 ans une R&D sur l’usinage « non débouchant » par jet d’eau. Une alternative pertinente sur les composites et alliages durs utilisés dans l’aéronautique. Avant de passer à la fabrication de notre propre équipement, nous avons d’abord réadapté du matériel existant.
EMP : Où en est votre recherche ?
M. D. : Nous avons finalisé un prototype de centre d’usinage jet d’eau 5 axes qui est en cours de test. C’est le fruit d’un programme de recherche collaboratif conduit dans le cadre de l’appel à projets Epicea. Nous avons ensuite pris le relais seuls, bénéficiant du soutien d’Oséo. Plus de 1M€ ont été investis sur ce dossier.
EMP : Quelles sont les prochaines étapes ?
M. D : En fait ce prototype constitue une plateforme générique à partir de laquelle seront déclinées d’autres applications métiers avec leurs paramètres spécifiques. Dans cette logique, a surgi l’idée de mettre au point la première machine portable jet d’eau pour réparer les composites. Un produit qui a retenu d’entrée l’attention des avionneurs. Cet équipement qui fait la préparation de surface en vue de la réparation est en phase d’essais.
Au total, nous avons déposé 3 brevets et un quatrième est en cours d’élaboration
EMP : Comment envisagez-vous l’industrialisation et la commercialisation de ces deux machines ?
M. D. : Sur celle portable, nous réfléchissons sur la meilleure des configurations, produire en interne ou s’appuyer sur un partenariat. Le mode d’exploitation, vente/location du parc est aussi à penser.
La demande devrait être forte car notre technologie allie deux avantages : la reproductibilité et l’adaptabilité du moyen d’abrasion à toute situation. C’est là que réside la valeur ajoutée de notre équipement.
EMP : Quel est le calendrier en termes de distribution ?
M. D : Nous espérons réaliser les premières pièces de qualification fin 2013, le procédé et le matériel seront agrées par les avionneurs. Outre l’aéronautique, nous visons d’autres secteurs utilisant les composites comme l’éolien ou le maritime…Notre machine portable est idéale pour réparer des pièces de grande dimension, difficile à déplacer.
EMP : Votre activité étant en croissance régulière, un déménagement est-il d’actualité ?
M. D. : Une extension de surface sera nécessaire, la question est à l’étude.
EMP : Avez-vous démarré un courant d’affaires à l’exportation ?
M. D. : Nous avons pris position au Canada, avec le recrutement d’un VIE mutualisé avec deux autres entités, Orme et Nexio (le tout adossé à Aerospace Valley).
A l’issue de son contrat, cette personne basée à Montréal a été maintenue à son poste par les trois entreprises de départ ; pour recruter cette ressource, nous avons fondé une entité commune Intactis.
EMP : Avez-vous engagé une démarche sur le développement durable et la RSE ?
M. D. : Nous conduisons des actions en matière de GPEC. C’est une des composantes de la RSE. Nous sommes conscients des enjeux liés à l’environnement et la santé au travail. Nos machines y contribuent car l’usinage par jet d’eau éviter la dispersion dans l’air des particules de carbone.
Emma BAO
Diffusé le 5 juin 2013
Encadré 1
A retenir aussi
-Effectif : 26 personnes
-CA 2012 : 2,5 M€, prévisionnel 2013 : 2,8 M
-Plus de 10% du CA investis dans la R&D
-Parmi les références clients : Dassault, Daher, Aviacomp, Sogeclair, Latécoère, Airbus, Herakles…
-Jedo Technologies est titulaire de l’Iso 9001 et est agréée EN 9100
Encadré 2
Programmes de recherche
Dans le cadre de l’appel à projets Aerosat, Jedo Technologies conduit le projet USIMED avec l’Institut Clément Ader, un programme consacré à l’usinage des métaux durs.
Financé par le FUI, le projet U2MI sur l’usinage multi-matériaux arrive à son terme. Il fédère entre autres Jedo Technologies, Dassault, Airbus…
L’entreprise s’investit aussi dans une R&D visant à trouver une alternative à l’usinage chimique des métaux durs ; l’emploi du jet d’eau pour alléger les panneaux métalliques sur une partie de leur surface peut s’avérer une solution performante.
Encadré 3
Parcours
Un tandem à la direction
Ingénieur Arts et Métiers, docteur chercheur en automatique au LAAS, Michel Déléris a toujours consacré beaucoup d’énergie à la R&D au sein de son entreprise. D’où le souhait de s’entourer d’une compétence complémentaire en finances et gestion, vœu qui s’est concrétisé en 2009 avec l’arrivée à la direction générale de Rémi Popoff. Un associé qu’il connaissait bien car il était prestataire de service de la PME en tant qu’expert-comptable (spécialisé aussi en audit de gestion). A 58 ans, Michel Déléris dispose toujours d’aussi peu de temps libre tant la vie d’entrepreneur est prenante. Ses rares moments de loisirs lui permettent de s’adonner au bricolage, au sport, aux balades en montagne.