Emile Noyer, président de la FBTP31.
Le président de la FBTP Haute-Garonne Emile Noyer commente le guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction. Sorti le 2 avril, ce guide a été réalisé par les principales instances représentatives de la profession et les ministères concernés. Il a été rédigé par l’OPPBTP avec l’appui de médecins du travail. Un guide très attendu par la profession, à l’arrêt depuis le démarrage de la crise.
Etes-vous satisfait du guide de préconisations de sécurité sanitaire qui vient de sortir ?
Le bureau de la fédération s’est réuni vendredi 3 avril pour bien prendre connaissance de ce nouveau document. Nous pensons effectivement que ce guide va nous permettre de reprendre progressivement l’activité, certes différemment, mais, si les réquisitions sont suivies à la lettre et après avoir été adaptées à chaque entreprise et à chaque chantier, nous avons enfin l’assurance de pouvoir préserver la santé de nos salariés, sujet essentiel à nos yeux. Néanmoins Il nous faudra le temps nécessaire pour nous l’approprier et le mettre en œuvre, avec la participation de l’ensemble des acteurs de la filière construction à commencer par nos maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, SPS et fournisseurs.
Il a fallu dix jours pour réaliser ce document. Cela a été complexe ?
Cela a pris effectivement beaucoup de temps pour sa réalisation, je rappelle que notre secteur intègre un très grand nombre de métiers et les situations de chantiers sont très diverses. De façon générale, dans le bâtiment, il y a toujours beaucoup de coactivité. Prenez le gros œuvre, par exemple, le travail se fait essentiellement au travers d’équipes de 5 à 6 compagnons. Ce guide est resté bloqué auprès des ministères du travail et de la santé et des solidarités durant 10 jours sur des thèmes aussi essentiels que la responsabilité du maitre de l’ouvrage, la distance à respecter entre les salariés, le port du masque ou la présence d’apprentis sur les chantiers. Je rappelle que les fédérations et organisations professionnelles, mais aussi les syndicats de salariés, avec l’appui de médecins du travail ont participé à la réflexion sur les conditions de sécurité dans notre secteur. C’est l’OPPBTP, Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics , organisme paritaire, qui s’est chargé de la rédaction du guide. Toutes les consignes sont détaillées, pour chaque étape allant du transport des salariés, des conditions de vie et d’hygiène sur chantier à l’exécution des tâches. Les entreprises doivent nommer un référent Covid, s’équiper mais aussi former leurs salariés aux gestes barrière.
Il faudra notamment que les entreprises s’équipent en masques. Ce qui semble difficile aujourd’hui. Allez-vous aider vos adhérents ?
Effectivement, parmi les nouvelles procédures et les équipements exigés, il y a les masques, obligatoires lorsque l’on travaille à moins d’un mètre, situation courante dans notre activité. Nous avons décidé d’essayer d’aider au mieux nos adhérents à se fournir. Je n’ai pas encore la réponse sur l’approvisionnement en masques chirurgicaux, mais nous y travaillons. Rien que pour l’équipement, nous avons besoin de temps. Il faudra compter au moins dix jours pour que les entreprises se réorganisent.
L’activité avait été stoppée dès l’annonce du confinement et les débuts de la crise ont été particulièrement tendus dans votre secteur. Pourquoi ?
La quasi-totalité des entreprises ont cessé leur activité, nous avons fait preuve d’un grand sens des responsabilités. Les grands chantiers ont aussi été arrêtés dès le début de la crise. Lorsque le gouvernement a demandé la reprise d’activité, il nous était alors impossible à ce stade de garantir la sécurité sanitaire de nos salariés. Les demandes de chômage partiel n’ont pas été acceptées immédiatement et cela a été très mal vécu. Le président de la FFB Jacques Chanut a fait remonter nos problématiques au gouvernement, le réseau s’est également mobilisé et nous avons fini par être entendus. Preuve en est la diffusion de ce guide des précautions de sécurité sanitaire qui devrait mieux nous aider à la reprise de notre activité en toute sécurité.
Est-ce que les nouvelles règles de sécurité vous semblent réalistes et applicables à la lettre ?
La question ne se pose pas, il faut appliquer ces règles, nous n’avons pas le choix. Si l’on ne peut s’y plier, il faut alors renoncer. Bien entendu, tout est plus compliqué pour tout le monde et les chantiers seront impactés par des délais nécessairement plus long. Notamment Il faudra repenser l’organisation des grands chantiers où la coactivité est très présente. Pour les artisans ou les interventions de maintenance, les dispositifs de consignes sanitaires seront à priori plus faciles à mettre en œuvre en raison d’une très faible coactivité.
Le redémarrage va demander encore du temps de préparation, ce qui repousse à mi-avril… quelles répercussions économiques sont à prévoir ?
Il faut s’attendre à une baisse de productivité, à des délais prolongés et donc à des surcoûts. Qui prendra en charge ces surcoûts ? la question reste ouverte. Pour le moment, on se concentre sur l’intégration des nouvelles normes de sécurité et l’acquisition d’équipements de protection individuelle. Nous sommes également préoccupés par les effets économiques de cette crise inédite. Il faut s’attendre à des pertes de chiffre d’affaires importantes et de fortes tensions sur les trésoreries des entreprises. Nous avons pu néanmoins apprécier les mesures du gouvernement comme les reports de paiement de charges, de remboursement des emprunts, etc.
S’il y a reprise d’activité, il faudra que la chaîne de l’approvisionnement soit en rendez-vous. Qu’en pensez-vous ?
Quelques points de vente sont restés ouverts, pour l’essentiel les grands fournisseurs sont en situation de nous accompagner dans la reprise de l’activité. Je pense quand même que si l’on annonce une reprise, même plus timide que prévue, toute la chaîne amont devrait redémarrer aussi. On dit que les situations de crise enclenchent de nouvelles réflexions et donc de nouveaux modèles.
Est-ce que, à la sortie de la crise du coronavirus, le bâtiment ne sera plus comme avant ?
Sur le plan économique, il faut déjà s’attendre à de sérieuses difficultés, nous devrons donc au plus vite retrouver de la rentabilité pour nos entreprises. Ensuite, réfléchir à un retour de la production en circuit court pour sécuriser nos approvisionnements. Et continuer l’intégration du numérique dans nos entreprises afin d’assurer la continuité de nos activités en toute situation. Mais j’avoue qu’aujourd’hui, on avance au jour le jour, en fonction de l’évolution des informations et des problématiques que doivent résoudre nos entreprises, en particulier les dispositifs de sécurité sanitaire garantissant la santé de nos salariés.