L’Apec a présenté à Toulouse ses prévisions 2025 pour l’emploi cadre en Occitanie. Dans un contexte économique national incertain, la région résiste, avec près de 13 000 embauches anticipées. Si la tendance est à la stabilisation, les tensions sur les compétences, les dynamiques métropolitaines et les défis de l’inclusion exigent une mobilisation accrue des entreprises et des acteurs publics.

Cyrille Longuépée, déléguée régionale Occitanie et Corinne Saurat, consultante relations entreprises à l'Apec Occitanie. (Photo Dorian Alinaghi Entreprises Occitanie)
Avec 12 880 embauches prévues en 2025, l’Occitanie se situe dans une phase d’atterrissage du marché de l’emploi cadre, après les fortes hausses post-Covid. Ce volume de recrutement représente une stabilisation (+0,4 %) par rapport à 2024, confirmant une tendance à l’équilibre, malgré un ralentissement conjoncturel observé à l’échelle nationale.
« Le marché reste résilient mais prudent. Les entreprises recrutent encore, mais elles le font de manière plus ciblée, avec des exigences accrues », a expliqué Cyrille Longuépée, déléguée régionale de l’Apec en Occitanie, lors de la présentation régionale du panel Apec à Toulouse.
Loin d’une situation de crise, la région s’inscrit dans une dynamique plus mesurée, mais globalement stable.
Toulouse et Montpellier : moteurs de l’emploi cadre
80 % des recrutements de cadres en Occitanie sont concentrés dans les bassins de Toulouse, Montpellier, Nîmes et Perpignan. La région, marquée par une forte polarisation métropolitaine, s’appuie sur ses grandes villes pour soutenir son dynamisme économique. Toulouse, en particulier, reste un pôle structurant pour l’aéronautique, l’informatique, la R&D et l’ingénierie.
À Montpellier, les recrutements se diversifient, avec un essor notable des fonctions marketing, commerciales et numériques dans les entreprises innovantes et les startups.
Corinne Saurat, consultante relations entreprises à l’Apec, note que « la métropole montpelliéraine attire de nombreux jeunes diplômés, notamment dans le digital, mais elle reste soumise à une forte concurrence interrégionale. »
Les territoires moins denses, comme le Lot, le Gers ou la Lozère, peinent quant à eux à capter ces profils qualifiés, malgré des initiatives locales pour favoriser l’implantation de cadres via des dispositifs d’attractivité.
Les fonctions commerciales et informatiques toujours en tension
En 2025, les fonctions les plus demandées resteront les métiers de la fonction commerciale, de l’informatique et de l’ingénierie. Ces trois familles regroupent à elles seules plus de 55 % des intentions de recrutement exprimées par les entreprises régionales.
Mais cette demande s’accompagne de tensions persistantes. Les entreprises occitanes rencontrent des difficultés à recruter des développeurs web, des chefs de projets informatiques, ou encore des ingénieurs systèmes. L’écart entre les besoins des recruteurs et la disponibilité des compétences reste marqué, en particulier dans le secteur des technologies.
« On constate un phénomène de rareté sur certains profils, même dans les grandes villes, ce qui pousse les entreprises à revoir leurs pratiques de recrutement, à ouvrir davantage aux reconversions ou aux mobilités géographiques », souligne Cyrille Longuépée.
Une sélectivité accrue, notamment pour les jeunes diplômés
Si le marché du travail reste actif, l’accès au premier emploi demeure sélectif, notamment pour les jeunes diplômés. Les entreprises attendent des candidats plus expérimentés, autonomes et rapidement opérationnels. En Occitanie, seuls 52 % des jeunes cadres accèdent à un emploi dans les six mois suivant leur diplôme, un chiffre inférieur à la moyenne nationale.
Cette tension est particulièrement ressentie dans les petites structures, qui ne disposent pas toujours des ressources pour former ou intégrer des profils débutants. Corinne Saurat alerte : « Il y a un enjeu de confiance à reconstruire entre jeunes diplômés et recruteurs. L’alternance, les stages et les dispositifs d’intégration sont des leviers majeurs à développer à l’échelle régionale. »
Rémunération : des écarts importants et des attentes croissantes
Le salaire médian des cadres en Occitanie s’établit à 48 000 euros brut annuel, contre une moyenne nationale avoisinant les 51 000 euros. Cet écart s’explique par une structure économique moins orientée vers les très grandes entreprises et des filières industrielles moins présentes dans certains territoires.
Les rémunérations sont particulièrement attractives dans l’aéronautique, le numérique et les fonctions de direction. À l’inverse, les cadres du secteur associatif, du médico-social ou des petites structures peinent à suivre l’évolution des attentes salariales, surtout dans un contexte d’inflation.
« La question salariale est aujourd’hui centrale dans les négociations. Mais les marges de manœuvre des employeurs restent contraintes, ce qui peut freiner certaines mobilités », analyse Corinne Saurat.
Des évolutions de carrière plus lentes en région
L’Apec observe également que les opportunités d’évolution hiérarchique ou de changement de fonction sont moins fréquentes en région qu’en Île-de-France, notamment dans les PME. Cela peut générer une forme d’attentisme ou de turnover, en particulier chez les cadres intermédiaires.
Néanmoins, la région bénéficie d’atouts recherchés en matière de qualité de vie, d’équilibre entre vie personnelle et professionnelle, et d’environnement de travail. Ces éléments jouent un rôle croissant dans les arbitrages de carrière, notamment chez les cadres trentenaires et quadragénaires.
L’inclusion et la diversité : des défis encore à relever
Autre enjeu identifié par l’Apec : la faible présence des femmes dans certaines fonctions techniques, et le manque de diversité dans les profils recrutés. En Occitanie, les femmes représentent 39 % des cadres, un chiffre en progression mais encore loin de la parité.
Cyrille Longuépée insiste sur le rôle des entreprises dans la transformation culturelle du monde du travail : « Il est essentiel de créer des environnements de travail plus inclusifs, d’élargir les viviers de recrutement, et de soutenir l’accès à la formation tout au long de la vie. »
Pour répondre à ces enjeux, l’Apec renforce son action en région. Près de 6 000 entreprises occitanes sont accompagnées chaque année dans leurs recrutements, leur marque employeur ou leurs stratégies RH. L’association propose également des ateliers, des diagnostics RH, des webinaires thématiques et un accès facilité aux viviers de candidatures. « Notre mission est d’agir sur tous les leviers de sécurisation des recrutements, de faciliter les mises en relation et d’accompagner les mutations du marché de l’emploi », rappelle Corinne Saurat. «Cela passe aussi par une meilleure anticipation des besoins à moyen terme.»
À l’échelle de l’Occitanie, les dynamiques de l’emploi cadre révèlent un marché complexe, où coexistent des zones très dynamiques et d’autres plus en retrait. L’évolution des besoins, l’émergence de nouveaux métiers, la transition numérique ou écologique bouleversent les repères traditionnels.
Dans ce contexte, les acteurs de l’écosystème régional – entreprises, collectivités, partenaires sociaux – sont appelés à renforcer leur coopération. Les prochaines années s’annoncent structurantes pour bâtir un marché du travail plus équilibré, attractif et durable.