NUMERIQUE : 4 ans vécus dans la Silicon Valley : Christian Carle, PDG de Pole Star, nous livre son expérience.

 

Cela faisait plusieurs années qu’il multipliait les déplacements en Californie. Début 2012, Christian Carle, cofondateur de Pole Star décide de s’y établir, pour installer et développer la filiale américaine. De retour à Toulouse, après avoir vécu plus de 4 ans dans la Silicon Valley,  il nous fait part de son expérience, livrant quelques conseils utiles à ceux projetant une implantation au cœur du plus célèbre écosystème mondial.

Suffisamment de moyens pour tenir 3 ans

Pour qu’une entreprise se fasse une place sur le marché américain et devienne rentable, il faut compter au minimum 3 ans. C’est un investissement sur la durée, il faut le prévoir avant de franchir l’Atlantique.

Lors de la levée de fonds réalisée par Pole Star en 2011, le projet avait été annoncé et les 2,7 M€ mobilisés ont permis de financer de manière pérenne Pole Star USA Inc. Cette structure intervient sur toute l’Amérique du Nord et le Canada répondant également aux sollicitations de clients basés en Amérique du Sud. « Il a fallu attendre deux ans pour signer le premier contrat et un an de plus pour avoir des revenus récurrents » commente Christian Carle.

Dans la vie de cette Pme toulousaine, pionnière de la géolocalisation indoor, 2015 marque un tournant : les deux entités France et USA sont devenues enfin bénéficiaires !

Un ticket d’entrée élevé

La vie est chère à la Silicon Valley, le prix des logements, les niveaux de salaire…tout est sans commune mesure. Un ingénieur lambda négocie son salaire entre 200 000 et 250 000 dollars. Et il vous quittera sans état d’âme, en 3 jours,  pour rejoindre un grand groupe lui offrant plusieurs avantages (rémunération supérieure, restauration et transports gratuits…).

« En travaillant là-bas, on réalise combien la France est compétitive et performante en matière d’ingénierie et de R&D» reconnaît le dirigeant de Pole Star qui lors de son expatriation,  a pu compter sur son associé Jean Chenebault pour manager le site toulousain. 

Avoir des références en Europe et agir en caméléon

En arrivant sur le sol américain, le dirigeant d’entreprise est souvent confronté à l’inadéquation de son produit avec les attentes du marché. Il lui faut donc recaler l’offre et « pivoter » de modèle, une étape qui prend du temps et dont il ne faut pas sous-estimer le coût.

Autre donnée, avoir des références clients en Europe vous fait gagner en crédibilité et facilite le business.  

« Sur place, il est aisé de rencontrer des décideurs mais s’ils sont déçus par ce premier rendez-vous, difficile alors de les revoir » a constaté Christian Carle en mettant en avant la réactivité des clients, prompts à enclencher la proof of concept avec des installations pilotes.

Dans les points positifs à faire valoir, les entreprises de technologie française et les ingénieurs tricolores bénéficient d’une excellente image de marque auprès des clients américains. C’est un atout commercial indéniable.

On notera aussi que le marché américain est beaucoup plus accessible que l’européen avec sa mosaïque de législations au gré des pays. De plus, lorsqu’on signe un contrat aux USA,  cela se transforme rapidement en volumes vu l’ampleur du bassin de consommation.

Deux bonnes raisons pour choisir la Silicon Valley : l’écosystème et la levée de fonds

L’écosystème est unique avec une cohabitation fructueuse des laboratoires, grandes écoles, grands groupes mondiaux, entreprises innovantes et fonds investisseurs. En travaillant sur place, cela facilite les relations d’affaires et contacts avec les géants du net (les GAFA, les NATU…) et autres acteurs de la nouvelle économie. En y ouvrant sa filiale dédiée au business développement et au « support clients », Pole Star a été retenue par de nombreux intégrateurs et concepteurs d’applis.

Pour une start-up en recherche de financement, la Californie est un « Eldorado » assuré. Même BPIfrance a ouvert une direction à San Francisco pour promouvoir la French Tech, attirer des sociétés américaines en France…!

Si de nombreux projets capotent, les investisseurs ne sont pas refroidis pour autant, comptant sur l’émergence de pépites compensant largement les pertes. Aussi, si une entreprise a besoin de lever plusieurs millions d’euros, elle a tout intérêt à avoir un siège social dans la Silicon Valley avec au moins une partie de son management (un des dirigeants, le marketing et ventes..). « Une présence indispensable car les investisseurs au-delà d’un rayon d’action de 50 km,  ne sont pas enclins à se déplacer tant abondent à leurs pieds les opportunités » note Christian Carle.

Autre conseil avisé : lorsqu’une start-up opère en France un tour de table,  avec l’idée de trouver plus tard des financements en Californie, elle se doit d’être sélective sur les fonds entrant dans son capital, les investisseurs américains se méfiant des contraintes liées aux fonds fiscaux, FCPI…

 Quelles start-ups sont attrayantes ?

Les biotechs, les jeux vidéo, les entreprises très techno ont toujours la cote mais les investisseurs sont devenus plus vigilants sur leur capacité à générer du chiffre d’affaires. De nombreuses start-ups sont valorisées en fonction de leur portefeuille « utilisateurs ». Elles représentent des relais de croissance pour Facebook et autres acteurs tirant leurs revenus de la pub en ligne. « Après quelques rachats célèbres comme whatsApp par Facebook, la ferveur semble toutefois retomber » constate Christian Carle.

Autre stratégie, les grands groupes et fonds corporate investissent volontiers dans les start-up non pas avec une visée de profit mais pour intégrer une veille, capter de l’innovation (cas des fintech…).

En fonction de ses objectifs, cibler d’autres destinations

Pour une entreprise qui veut tout simplement accéder au marché américain et nouer des partenariats commerciaux, il est tout aussi pertinent de mettre le cap sur San Diego,  Boston, Chicago…Elles ne seront pas pénalisées par le coût de la vie à San Francisco.

 Quand on ouvre une structure aux USA, mieux vaut aussi tenir compte du décalage horaire. Staffer les équipes devient alors plus compliqué, cela exige une grande souplesse horaire entre salariés des deux continents ayant besoin de communiquer. « Ce que nous vivons au quotidien  avec 95% de la R&D à Toulouse et le support clients à San Francisco» fait remarquer le dirigeant de Pole Star, pour qui 6h de décalage avec la côte Est sont un atout comparé aux 9h en  Californie !

La pénurie de main-d’œuvre, les surenchères sur les ingénieurs de la Silicon Valley  (à moins de 100 M€ de CA, les entreprises peinent à garder les talents) incitent  ce spécialiste toulousain de la géolocalisation à ouvrir une autre structure ailleurs tout en maintenant  le siège américain en Californie.

Quant à Christian Carle, son retour en Occitanie ne signifie pas sédentarisation, il  partagera son emploi du temps entre la France, ses filiales américaines et ses autres projets à l’international.

(1) : 100 applis actives/jour recensées dans le monde

Emma Bao
Diffusé le 1er octobre 2016


Une couverture mondiale

Fondée en 2002, cette PME toulousaine est arrivée très tôt sur un marché balbutiant « si bien que nous aurions pu mourir une quinzaine de fois » commente Christian Carle. L’entreprise a dû attendre 2008 pour vendre son premier produit. Les 6 ans consacrés à R&D ont été financés en partie par de la prestation de conseil et expertise.

L’arrivée à maturité du marché et l’implantation aux USA ont donné un coup d’accélérateur à la société devenue rentable en 2015, tant sur l’entité française qu’américaine.  En 2016, le CA devrait dépasser les 3 M€ après les 2,3 du dernier exercice.

S’adressant aux intégrateurs, Pole Star a un rayonnement planétaire (1) avec plus de 50 000 lancements/jour d’applications de localisation, 10 000 millions de m2 couverts, 35 000 produits déployés et une présence dans 25 pays.  La récurrence assure la rentabilité, les licences ont généré 3 M€, chiffre appelé à doubler rapidement. « Notre modèle économique pourrait évoluer en le basant en partie sur l’exploitation de la donnée qu’on récupère » souligne Christian Carle en insistant sur l’anonymat des data recueillies et la préservation de la vie privée.

Parmi les utilisateurs de la solution Pole Star, figurent en tête de liste les grands centres commerciaux et le retail. Unibail fait partie du portefeuille clients aux côtés d’autres donneurs d’ordres variés (Aéroport d’Amsterdam, TGV Pro, de nombreuses usines,  la Cité de l’Espace…). Les grandes foires et salons internationaux comme le Mobile World Congress de Barcelone prisent aussi le produit.

En optant pour cette technologie made in Toulouse, les clients rajoutent de la valeur aux nouveaux services : géolocalisation, guidage, calcul d’itinéraires, géotaging…Le champ des possibles est large. « Au sein d’un vaste espace, nous pouvons par exemple délimiter une zone avec une frontière virtuelle et lancer des actions spécifiques : observation des déplacements des personnes, monitoring du taux d’occupation de bureaux ou de salles…»,  souligne le codirigeant de Pole Star en mettant l’accent sur deux priorités d’actualité : la poursuite de l’internationalisation en ciblant le Moyen-Orient et l’Asie et la structuration de l’entreprise pour franchir un nouveau cap.

 


Le smart building : un nouveau marché

Le smart building est un nouveau marché sur lequel Pole Star commence à prendre position avec juste en France, plus de 850 millions de m2 d’immeubles de bureaux à transformer en « bâtiments intelligents » peu énergivores,  connectés et plus efficaces. Les usagers et exploitants d’ensembles immobiliers accèdent à de nouveaux services comme le comptage qui alimente en data le Building management system, la géolocalisation des personnes et des biens…

La technologie Pole Star a ainsi été déployée sur le site d’Orange à Arcueil. L’opérateur télécom utilise aussi la solution dans ses bureaux à Toulouse. Le siège de SFR à Saint-Denis fait partie des références utilisateurs tout comme de nombreux hôpitaux aux Etats-Unis et des banques. Des partenariats sont noués avec de plus en plus d’intégrateurs (Schneider Electrique…) pour offrir un large panel de services.

                                    

A retenir aussi

-Effectif : 20 personnes

-Pole Star a sa propre infrastructure avec le produit Nao Bluespot, des petites balises sans fil (les beacons) qui émettent des messages en Bluetooth Low Energy.

-Typologie de clients : des développeurs d’applis, des opérateurs de services, des équipementiers électriques, des fournisseurs de solutions pour les hôpitaux…

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