Comment les fournisseurs d’Airbus répondent-ils à la montée en cadence sur les chaînes de production ? Quel accompagnement public pour aider les sous-traitants à renforcer leur compétitivité et maintenir des emplois en région ? Chargés de mission au sein de la cellule aérospatiale du service développement industriel, technologique et international (Pôle entreprises, emploi et économie) de la Direccte Midi-Pyrénées, Olivier Renne, et Patrick Bodenan, évoquent la situation qu’affronte la supply chain et les dispositifs de soutien mis en place.
Pénurie de compétences
Trouver les compétences professionnelles est un souci majeur pour les entreprises et un axe prioritaire d’accompagnement des pouvoirs publics. Ceux qui pendant la crise de 2009 ont fait le dos rond, cherchant à garder les savoir-faire en procédant à du chômage partiel, ou en utilisant les périodes de moindre activité pour former leurs personnels, sont repartis rapidement. Mais renforcer les équipes n’est pas évident. Les métiers de la chaudronnerie, tôlerie, soudure, monteur cellules avions… sont toujours sous tension depuis quelques années. 6000 à 9000 postes sont à pourvoir dans les 2 ans à venir, estime l’UIMM qui n’hésite pas à se mobiliser dans les départements (1). La GPEC s’avère des plus délicates dans le contexte actuel.
L’OTD, (on time delivery) bousculé
La structuration des Pme qui passe par le renforcement de l’encadrement et une optimisation des flux de production se poursuit tout comme les mouvements de concentration et les regroupements. Les donneurs d’ordres et les équipementiers veulent des interlocuteurs de taille critique, un niveau de qualité garanti (EN 9100, Nadcap…). Pour répondre à cette attente, on assiste à une accélération des regroupements d’entreprises. C’est ainsi que Aeroconseil a rejoint Akka Technologies, et Mécahers s’est rapprochée de Mécachrome, d’autres regroupements devraient se formaliser dans les mois à venir. Pour répondre à cette nécessaire consolidation de la filière, le FSI va investir via un nouveau fonds sectoriel aéronautique.
Dans le contexte actuel de forte charge, certains maillons ont du mal à suivre, si bien que les donneurs d’ordres, les « primes » se plaignent de plus en plus des retards de livraisons. Pour éviter les ruptures, certains sous-traitants peuvent être enclins à faire du stock avec l’immobilisation financière que cela suppose. Les entreprises de rangs 2 ou 3 ont vu les flux de production profondément modifiés car la réduction du panel des interlocuteurs directs d’Airbus a multiplié le nombre d’intermédiaires. Et si un major s’enrhume c’est tout son réseau de fournisseur qui tousse !
Financer la croissance
Les investissements sont repartis à la hausse comme en témoigne déjà le nombre de contrats d’appuis signés avec la Région. « Globalement, les banques semblent suivre d’après les remontées du terrain » constate Olivier Renne.
Pour financer leur développement, les entreprises rang 1 disposent de plusieurs outils spécifiques : Aerofund pour renforcer le haut de bilan, des avances remboursables pour supporter le risk sharing, l’action Euro-Dollar du plan ADER. Mais cela n’est pas encore suffisant : aussi adossé à ADER 3 et au Comité régional stratégique de la filière, une réflexion est en cours pour trouver des outils financiers adaptés au cycle long de l’aéronautique. L’objectif est de structurer le financement du développement des entreprises de la filière afin d’éviter des appels récurrents et toujours plus importants et finalement peu lisibles aux solutions court terme offertes par les outils bancaires classiques de soutien de la trésorerie. La mutualisation entre entreprises peut aussi être une voie de réponse (exemple de la plate-forme achat matière Aérotrade). De leur côté, les comités d’engagement des banques devraient porter leurs efforts sur une meilleure prise en comptedes perspectives favorables à moyen terme de leurs clients de l’aéronautique. L’annonce récente de la création de la banque des entreprises « OSEO Industrie » apportera sans doute sa contribution à cette problématique de financement.
Malgré l’effervescence générale, les dirigeants ont intérêt à lever la tête du guidon pour se projeter à moyen terme ; en effet, ils doivent en plus poursuivre la R&D, l’intégration des nouvelles technologies, la diversification du portefeuille clients…afin de conserver le pilotage stratégique de leur entreprise. A ce titre, le comité régional de filière explore des pistes d’amélioration de la lisibilité du carnet de commande à l’ensemble des différents niveaux de sous-traitance.
(1) : Une opération a ainsi été organisée à Lavelanet avec Pôle Emploi à l’issue de laquelle une quarantaine de personnes ont été sélectionnées pour suivre une formation aux métiers de l’aéronautique.
Emma Bao
Diffusé le 24 février 2012
(1) : Une opération a ainsi été organisée à Lavelanet avec Pôle Emploi à l’issue de laquelle une quarantaine de personnes ont été sélectionnées pour suivre une formation aux métiers de l’aéronautique.
Emma Bao
Diffusé le 24 février 2012
Encadrée
Une action euro-dollar dans le cadre d’ADER 3
Le point de départ est le suivant : l’aéronautique est un modèle économique de moyen et long terme. Les entreprises décrochent des contrats pluriannuels en dollar, sur des périodes de 3 ans à 15 ans ! Les Pme peinent donc à obtenir des couvertures de risques sur ces échéances, l’offre des banques calée sur des lignes dollar à l’année est insuffisante. Quant aux autres outils du marché, ils ne sont accessibles que si les flux annuels sont importants.
Pour trouver une solution, un groupe de travail (piloté par Philippe Robardey, président de Sogeclair) du Comité régional stratégique de la filière aéronautique a proposé une action débouchant sur la sensibilisation des entrepreneurs aux risques euro-dollar et à la mise en place d’un modèle de couverture adaptée aux PME.
Cette action réalisée par l’IDEI/TSE (1) et financée par la DIRECCTE Midi-Pyrénées, est conduite en partenariat avec la CCI de Toulouse et la Région. 5 modules de formation sont programmés, la première séance ayant démarré en décembre dernier. Une vingtaine de sociétés ayant souscrit des contrats pluriannuels entrent dans la cible. « Actuellement, nous bâtissons une stratégie avec les dirigeants pour entreprendre dès le second semestre une démarche en direction des organismes financiers » précise Patrick Bodenan. Les banquiers seront invités à concevoir un produit répondant au cahier des charges que les chefs d’entreprise auront appris à constituer.
(1) Institut d’Economie Industrielle et Toulouse School of Economic
Encadré
Encadré
ADER 3 pleinement opérationnel
Couvrant 2011-2014, le plan ADER 3 intervient sur plusieurs volets : innovation, optimisation et productivité (déploiement du Lean au travers de l’action Aerolean’k), structuration financière des entreprises, gestion des compétences. Les actions sont montées au cas par cas, l’Etat et la Région ne s’engagent financièrement que si les dispositifs sont jugés pertinents. ADER 3 développe des synergies avec le Comité stratégique régional de la filière aéronautique, déclinaison du Comité national (rattaché à la Conférence nationale de l’industrie instauré après les Etats généraux de l’industrie).
Le Comité stratégique régional Midi-Pyrénées comporte plusieurs groupes de travail, chacun accueillant un représentant du plan Ader. L’objectif est d’analyser les problématiques de la filière et de proposer en réponse des actions, lesquelles peuvent être retenues selon leurs enjeux par le Comité national (cas de l’action Euro-Dollar) ou traité dans le cadre du plan ADER (1).
(1) : Si une action a un caractère national, elle peut être au départ expérimentée dans une région comme c’est le cas pour l’action Euro-Dollar
Encadré
La norme EN 9100 V 2009
La norme EN 9100 V 2009
Elle impose de nouvelles contraintes aux entreprises, modifie l’approche des organismes certificateurs…Une action portée par la CCI de Région est prévue pour accompagner ce changement.
Encadré plan ADER 3
Les appels à projets régionaux évalués
Une évaluation des appels à projets régionaux lancés depuis 2006 est en préparation. Il s’agit de repérer les facteurs de réussite, d’introduire des réaménagements pour affiner le ciblage de ces appels à projets. Les bénéfices pour une entreprise participante peuvent être divers : retombées économiques et création d’emplois, acquisition d’un meilleur niveau technologique, meilleur positionnement sur un marché, valorisation d’un savoir-faire, apprentissage à collaborer autour d’un projet…
Encadré plan ADER3
Maîtriser les accords de consortium
Une action collective est envisagée pour aider les PME à bien maîtriser les accords de consortium pour défendre leurs intérêts industriels à moyen terme, une fois terminé le projet collaboratif au sein duquel elles se sont investies. Si le projet s’avère un succès, autant prévoir en amont des clauses juridiques afin que la PME bénéficie d’un retour sur investissement équitable. Deux groupes de travail du Comité régional de la filière aéronautique planchent par ailleurs sur cette thématique.