Unité pilote mise en service en 2007
La société toulousaine CIMV porte un procédé révolutionnaire de chimie verte avec la transformation de la biomasse, en pétrole vert pour fabriquer des carburants de seconde génération, du bioéthanol, de la pâte à papier, toute une série de produits servant à la fabrication de colles, d’adhésifs….en utilisant 98% de la matière végétale. Le démonstrateur industriel qui servira à valider auprès des clients le procédé fonctionnera courant 2017 avec en ligne de mire la première usine de production à l’horizon 2020 en visant un marché mondial. Une alternative au pétrole.
Ce ne sont finalement pas les Portes du Tarn qui accueilleront le démonstrateur industriel mais Commentry près de Montluçon sur le site d’Adisseo. « Nous avons dû repositionner notre projet initial car le site tarnais n’était pas compatible avec notre projet industriel. Mais CIMV restera à Toulouse. Nous sommes en train de développer notre R & D. 25 collaborateurs travaillent chez nous dont une dizaine au sein du laboratoire de l’Ensaciet » mentionne Michel Delmas, professeur à l’Ensaciet et actionnaire de CIMV. Il est à l’origine de cette aventure scientifique avec la participation active des laboratoires toulousains du LGC, le Laboratoire de génie chimique et du LISBP, le Laboratoire d'ingénierie des systèmes biologiques et des procédés, les leaders dans leur domaine en France, tous membres de TWB, Toulouse White Biotechnology, présidé par Pierre Monsan (1). Les études visent les applications des produits extraits de la biomasse. Créé en 1998, le projet de CIMV a déjà mobilisé une quarantaine de millions d’euros en R & D à travers trois contrats européens, une cinquantaine de laboratoires et entreprises, un pilote industriel. « Ces contrats européens nous ont apporté la crédibilité nécessaire à l’international ». Le procédé de CIMV permet de séparer la biomasse en trois familles de produits, la cellulose, l’hémicellulose et les lignines. C’est avec ce 3ème composant de la biomasse que CIMV creuse l’écart par rapport à la concurrence, « C’est notre molécule vedette ». Dénommée Biolignine par CIMV qui en a déposé le brevet, elle détient le plus grand potentiel commercial. Grâce à sa pureté, elle est directement utilisable par les industriels, en remplaçant les dérivés du pétrole pour produire des colles, des plastiques. La réduction des émissions de gaz à effet de serre est massive comparée aux produits issus de la pétrochimie. Le marché mondial de ce nouveau produit biosourcé est estimé à 100 millions de tonnes / an avec un coût de revient low cost. A environ 1500 $ la tonne, elle vient par exemple concurrencer le phénol dont le prix de marché oscille aujourd’hui entre 1500 et 2000 $ la tonne. Les essais réalisés avec plusieurs industriels (producteur de résines phénoliques, des fabricants de panneaux de bois) lors du projet européen Biocore (2010-2014) piloté par CIMV ont permis de valider la Biolignine pour remplacer 70% du phénol. Pour l’éthanol, le procédé permet d’obtenir 360 l d’éthanol par tonne de biomasse contre 240l avec les technologies classiques, 75% de la biomasse est transformable en bioéthanol. Quant à la ressource, les matières végétales, elles sont abondantes. Tout type de résidu non alimentaire est compatible comme la paille de riz et de blé, les tiges de maïs, la bagasse de canne à sucre, le bois…En France le potentiel disponible se monte à 150 millions de tonnes provenant de l’agriculture et de la forêt. CIMV est en contact avec de nombreux industriels dans le monde dont des multinationales. La première usine devrait être lancée vers les 2020 pour un investissement d’environ 100 M€ l’unité. Elle traitera 50 tonnes /heure de biomasse en fournissant du bioéthanol et de la Biolignine. A cette échelle CIMV envisage de licencier sa technologie protégée par une dizaine de familles de brevets (300).
(1) Pierre Monsan qui dans les années 1990 avait lancé la société Bioeurope.
Trois produits extraits :
A partir d’une tonne de résidus végétaux non alimentaires traités par un procédé doux à environ 100°, le procédé extrait principalement 490 kg de cellulose, 220 kg d’hémicellulose et 250 kg de Biolignine.
Etapes depuis la découverte en 1997 :
1997 : découverte du procédé de séparation sans dégradation des éléments de la biomasse. 1998 : création de CIMV, travaux en laboratoire et mise au point du procédé. 2007 : mise en service d’une unité pilote permettant de traiter 50 kg/heure de biomasse. 2010-2014 : participation au projet européen Biocore avec 24 entreprises et universités partenaires. 2016 : lancement du démonstrateur dans le cadre du projet 2G BIOPIC : 1 tonne/heure produisant 700 tonnes de bioéthanol et 750 tonnes de Biolignine. 2020 : 1ère usine, 50 tonnes par heure.
Parcours de Michel Delmas
Michel Delmas est professeur à Toulouse à l’Ensaciet depuis 1982. Il a mené en parallèle une activité de consultant pendant une vingtaine d’années auprès de sociétés internationales. En 1998, il fonde la CIMV avec des actionnaires privés de tous horizons qui soutiennent ce projet ambitieux. « Nous sommes partis d’une feuille blanche. Notre ambition c’est de réussir la première transformation de la matière végétale compétitive avec un prix du baril de pétrole à 50$ » relate Michel Delmas. La baisse de l’or noir a mis de nombreux projets concurrents en difficulté mais pas CIMV, « le seul acteur à maîtriser la fourniture de Biolignine ». M. Delmas est serein quant à la capacité technique et financière de l’entreprise à mener_çè-àè le projet au bout. Il peut compter sur des investisseurs de long terme, des particuliers qui ont misé leurs deniers sur l’innovation. Un nouvelle levée de fonds d’une trentaine de millions d’euros est en cours.
La Biolignine remplace le pétrole pour :
Les résines phénoliques (taux de substitution de 50 à 80% par rapport au phénol), les polyuréthanes (taux de substitution de 40 à 60% par rapport aux polyols), le noir de carbone pour les caoutchoucs (taux de substitution de 50 à 100%) et les résines époxy.
Démonstrateur : l’Europe met 20M€ sur la table
L’Europe a retenu le projet 2G BIOPIC (2nd Generation Bioethanol production based on Organosolv Process at atmospherIc Conditions) parmi 15 dossiers concurrents en mettant 20 millions d’euros de subvention sur la table pour lancer le démonstrateur qui va mobiliser au total près de 60 millions d’euros ! Le programme 2G BIOPIC réunit 6 partenaires issus de 4 pays autour de CIMV avec Dyadic (Pays-Bas), Taurus (Suède), le CRITT Bio-industries de Toulouse, Rolkem, Toulouse White Biotechnology et BBEPP, Bio Base Europe Pilot Plant (Belgique). Le démonstrateur traitera 24 tonnes de biomasse par jour en produisant par an 700 tonnes de bioéthanol et 750 tonnes de Biolignine.
Le directeur de Rolkem à Mourenx :
L’usine Rolkem de Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, fabrique de la résine phénolique à destination principalement du marché du bois. Son directeur Patrick Palos indique « Dans le cadre de notre stratégie de développement, nous avons décidé de biosourcer notre production en essayant petit à petit de remplacer les produits chimiques toxiques par des produits d’origine naturelle. Nous avons fait de multiples essais de R&D avec CIMV depuis plusieurs années, qui se sont révélés concluants. Nous arrivons en effet à des taux de remplacement du phénol d’origine pétrolière très importants, de l’ordre de 50%, le démonstrateur nous permettra d’avoir de la BiolignineTM en plus grande quantité, de façon à commencer à lancer le produit commercialement. On va ainsi passer à un stade supérieur. »
Article diffusé le 01/12/2015 par JL Bénédini