Jeudi 11 mai 2023, la Banque de France a présenté la lettre du gouverneur de la Banque de France adressée à Emmanuel Macron afin de dévoiler son rapport et de la conjoncture économique du pays. Christine Bardinet, directrice de l'institution en Occitanie, nous en explique les enjeux.
« Nous prévoyons de ramener l'inflation vers 2 % d'ici la fin de l'année prochaine ou début 2025 », affirme Christine Bardinet (à droite). (Photo : Dorian Alinaghi - Entreprises Occitanie)
Cette lettre soumise au Président de la République est une tradition en France depuis 1945. Elle permet de dévoiler des analyses économiques et de présenter la conjoncture de l’Hexagone. Un moment important surtout que de nos jours, l’inflation est sur toutes les lèvres !
L'inflation est partout
En effet, avec l’apparition du Covid-19 et de ses confinements ainsi que de la guerre en Ukraine et ses répercussions en Europe, l’année 2022 a été bouleversée économiquement parlant mais a aussi créé une incertitude dans la pensée des Français. L’inflation a d’abord concerné les prix de l’énergie et de l’alimentation. Depuis, elle a évolué en devenant plus interne et s’est immiscée à l’ensemble des biens et des services. Sans compter l’énergie et l’alimentation, cette hausse des prix sous-jacente atteint + 4,5 %.
Bonne nouvelle, début mai 2023, l’inflation a ralenti, par la composante énergie, de 10,6 % fin octobre à 6,9 % pour la zone euro et de 7,1 % à 6,7 % pour la France.
Les boucliers tarifaires, une sacrée défense
Mis en place depuis 2021, ils ont pu amortir temporairement le choc énergétique sans pour autant le faire disparaître. « Les mesures budgétaires pourraient à moyen terme entretenir l’inflation dans un contexte de décrue des prix de l’énergie. Il faut savoir que le pouvoir d’achat des Français a été préservé « en moyenne » en 2022, - 0,1 %. Et il devrait rester stable cette année », souligne Christine Bardinet, directrice régionale Occitanie de la Banque de France.
73 % des Français ont confiance en l’euro
Les hausses du taux d’intérêts sont particulièrement pertinentes pour maîtriser l’inflation sous-jacente qui présente un risque de persistance. « Aujourd’hui, le crédit est logiquement moins accommodant, mais l’accès y reste plus large en France qu’ailleurs en Europe. » Le taux directeur de la Banque Centrale Européenne était de – 0,5 % en juin 2022. En avril 2023 il a atteint 3 %.
La hausse des prix a été de + 5,9 % en France sur l’année 2022, un niveau inférieur au reste de la zone euro (+8,4%). Expliqué précédemment, phénomène mondiale tiré au départ par les prix de l’énergie, l’inflation s’est diffusée à l’ensemble de l’économie nationale. Dès lors, la lutte contre l’inflation, pour la ramener au niveau de 2 % est le premier objectif du mandat de la banque de France.
Ainsi, la politique monétaire s’est normalisée avec le retrait progressif des mesures de soutien dites non conventionnelles, comme l’arrêt des achats nets effectués dans le cadre des programmes d’achats d’actifs (PEPP et APP), ou un recalibrage des opérations de refinancement à plus long terme (TLTRO).
Malgré la normalisation monétaire, l’activité a bien résisté en 2022, avec une croissance du PIB de + 2,6 % en 2022. Après avoir été exceptionnellement favorables depuis 2015, les conditions de financement de l’économie se sont rapprochées de leurs moyennes historiques : le taux d’intérêt moyen des nouveaux crédits à l’habitat des ménages a atteint + 2,05 % en décembre 2022.
Le taux d’endettement des entreprises a toutefois augmenté d’environ 83 milliards d’euros sur l’année.
Quatre axes pour réussir
Pour une meilleure maîtrise de l’inflation et plus de croissance, la Banque de France a misé sur quatre axes. « Les transformations énergétique/climatique et numérique sont un enjeu européen, et deux transformations impliquent plus particulièrement la France. Nous devons également réussir une transformation publique qui améliore l’efficacité des dépenses et privilégie celles d’avenir. Et surtout mener en France, dans un dialogue social relégitimé, une transformation du travail, qui doit être collectivement plus abondant et individuellement plus qualifié et plus attractif. 52 % des entreprises continuent de rencontrer des difficultés de recrutement, et 350 000 emplois sont non pourvus. En face, nous comptons 2,2 millions de chômeurs dont 600 000 jeunes. Pour sortir par le haut de l’ensemble de ces défis, une bataille clé : celle des compétences », conclut-elle.
Selon les chefs d’entreprise participant à l’enquête (environ 8 500 entreprises ou établissements interrogés entre le 26 avril et le 4 mai), l’activité a progressé en avril dans l’industrie, les services et le bâtiment. « Pour mai 2023, les entreprises anticipent une stabilisation de l’activité dans les services et un repli dans l’industrie et le bâtiment. Ces anticipations pourraient cependant refléter au moins pour partie l’effet d’un volume de congés plus élevé qu’habituellement au cours de ce mois de mai », spécifie Christine Bardinet.
Les difficultés d’approvisionnement continuent à s’atténuer dans le bâtiment (17 % des entreprises les mentionnent en avril, après 19% en mars) et dans l’industrie, où 28 % des chefs d’entreprise les mentionnent (après 30% en mars). « Surtout, pour la première fois depuis l’été 2020, les industriels jugent que les prix sont en baisse pour les matières premières et se stabilisent pour les produits finis. Les difficultés de recrutement reculent un peu mais concernent environ la moitié des entreprises (51%). Notre indicateur d’incertitude diminue légèrement dans les trois grands secteurs par rapport au mois précédent, il reste à des niveaux encore élevés par rapport à ceux qui prévalaient avant 2020. La situation de trésorerie évolue peu dans l’industrie et s’améliore dans les services. » poursuit-elle. Concernant les conséquences de la crise énergétique, l’opinion remontée par les chefs d’entreprise s’améliore significativement : 25% d’entre eux indiquent un impact sur leur activité au cours des trois prochains mois (après 29 % en mars et 31 % en janvier). « Sur la base des résultats de l’enquête, complétés par d’autres indicateurs, nous estimons que la progression du PIB au deuxième trimestre 2023 serait légèrement positive par rapport au trimestre précédent », ajoute la directrice.