« Moi chef d’entreprise, qu’est-ce que je peux piocher dans la boîte à outils de l’innovation ? » Après avoir présenté les dispositifs publics d’aide à l’innovation (IRT, SATT Toulouse Tech Transfer…) lors d’une précédente tribune, la Commission Innovation du Medef a convié 3 dirigeants de PME à témoigner sur les dispositifs de soutien, leur pertinence ou inadaptation, leur accessibilité ou lourdeur administrative…
Pas de langue de bois ! Chacun a fait état de ce qu’il « consommait » en évoquant les avantages et inconvénients des mesures d’accompagnement.
Pascale Bouillé de Vectalys
Elle a suivi le chemin "scolaire" d’une jeune entreprise innovante avec passage par l’incubateur, l’attribution du fonds d’amorçage…La société de biotechnologies fondée il y a 7 ans procède à son 3ème tour de table. Après une période axée sur la R&D et « l’éducation du marché », la commercialisation a bien démarré avec un volume d’affaires de 1Meuros.
Pour financer la recherche et le développement, Pascale Bouillé n'hésite pas à la dire : « le top c’est l’Europe avec le PCRD ». Le CIR (crédit d’impôt recherche) reste la clef de voûte mais la loi de finances qui a changé les règles du jeu remet en cause les business plan prévus à 3 ans. Les avantages fiscaux liés au statut de JEI dont bénéficie l’entreprise ont aussi été rognés. La SATT Toulouse Tech Transfer est une bonne initiative mais quid des projets issus du privé ?, s’interroge Pascale Bouillé.
Sur les pôles de compétitivité, « il y a plus de projets labellisés que de projets financés ! ».
Il faut aussi avoir conscience en tant que JEI de la concurrence déloyale exercée par les plateformes de recherche académiques qui peuvent être amenées à faire de la sous-traitance pure et dure alors que leur vocation est d’intervenir en R&D.
La dirigeante de Vectalys déplore par ailleurs la frilosité des investisseurs, l’absence de cash plombe souvent les trésoreries des jeunes PME.
Les contrats d’appuis de la Région sont une mesure appréciable, estime-t-elle.
Jean-Nicolas Piotrowski d’ITrust
L’entreprise informatique a démarré en 2007 par de la prestation de service avant de se lancer dans l’édition de logiciels. Jean-Nicolas Piotrowski insiste lui aussi sur l’efficacité des contrats d’appuis et sur le CIR dont il regrette le remaniement.
Sur la panoplie des aides à la R&D, le fait de devoir apporter souvent 50% de fonds propres pour participer à des projets peut être un handicap pour une jeune société.
Le dirigeant d’ITrust a mis en avant les clusters qui dans leur gouvernance font une large place aux acteurs économiques pour évaluer les projets.
Côté investisseurs, « il est anormal qu’on nous considère au bout de 5 ans comme devant relever du fonds d’amorçage et non du capital développement ». Il n’y a pas en France une culture de la start-up de l’informatique ! Les financeurs préfèrent parier sur de la machine-outil et le carnet de commandes. Pour convaincre les banques, mieux vaut avoir en parallèle de la R&D une activité de services.
Au global les dispositifs d’aide sont nombreux mais il y a un trou dans la raquette pour financer le développement du produit et sa pré-commercialisation. « Je passe 40% de mon temps à lever des fonds alors que je dois m’investir dans l’innovation » confie Jean-Nicolas Piotrowski !
Jean-Pierre Loustau de TBC.
Cette société lancée en 1994 pour faire de la R&D dans le bâtiment est à l’origine de nombreux brevets et procédés innovants. Plusieurs filiales ont été créées dont Raycreatis (éditeur du logiciel ArchiWizard) Réseau Agir (un concept et des méthodes industrielles pour la rénovation thermique des collectifs et des villas), GM (vente de brevets à des entreprises du Moyen Orient). La stratégie de TBC est de transformer les projets innovants en entreprises pour créer de la richesse et de la valeur ajoutée et dégager ainsi du cash pour supporter la R&D. La société participe à des projets soutenus par l’ANR, l’Ademe, l’Europe…La fondation Bâtiment Energie a soutenu la recherche nécessaire au concept de rénovation thermique par l’extérieur des façades. Sur ce programme, TBC a autofinancé 600 000 euros. Trouver du capital développement est un exercice toujours difficile.
Un des écueils est la lourdeur des projets européens avec une ingénierie de montage des dossiers dévoreuse de temps. Pour être payé, il faut aussi que toutes les parties prenantes du projet aient envoyé leur relevé. Quand on est une PME, mieux vaut s’adosser à une structure plus importante privée ou publique (l’EMAC dans le cas présent) pour présenter un projet européen.
Jean-Pierre Loustau s’est déclaré satisfait du rôle joué par Oseo, MPI, le dispositif du CIR. Les outils d’accompagnement sont nombreux mais la panoplie n'est pas forcément adaptée à la trésorerie de la petite entreprise qui doit en moyenne patienter 6 mois et financer ce long délai avant de pouvoir percevoir les premiers euros.
Dans le cas de Réseau Agir qui boucle un projet de R&D, l’Etat, la Région, de grands groupes se sont bien impliqués et avec un bon business plan, des fonds suffisants ont pu être trouvés.
Emma Bao
diffusé le 24 février 2012