Xavier Marquier, le dirigeant de la Maison des Cailloux à Lannemezan
Les Pyrénées ont compté jusqu’à 140 carrières de marbres. La splendeur des pierres locales suscite toujours l’admiration de millions de visiteurs défilant au Château de Versailles, au Louvre, à l’Opéra Garnier, àl’Empire State Building…Si elle a failli sombrer dans l’oubli, cette ressource régionale est à nouveau valorisée avec de nouvelles applications en décoration d’intérieur et aménagements urbains.
Xavier Marquié, le dirigeant de la Maison des Cailloux implantée à Lannemezan est un des rares professionnels à travailler ce matériau pyrénéen. Il se fournit auprès des 3 dernières carrières de marbres de décoration : Sarrancolin, Beyrède (65) et Arudy (64). Il utilise aussi des blocs provenant des carrières de granulats de Saint-Béat, d’Izaourt…ou de Montoussé, tout près de l’entreprise.
A partir de la matière brute qu’il débite en tranches et polit, il réalise des cuisines (plans de travail, éviers…), des éléments de salles de bains (panneaux de douches, vasques…), des pavés et dallages, des pièces de décoration de bâtiments, des parements de façades.... Militant pour une vulgarisation du marbre, perçu comme élitiste ou à usage funéraire, Xavier Marquié introduit cette pierre dans l’univers de la maison et la cité. Le Sarrancolin, autrefois carrière royale destinée aux monuments et palais, est devenu accessible à tous ceux qui ont le coup de cœur pour ses veines rouge et or. Si l’essentiel du volume d’affaires résulte de la marbrerie, la Maison des Cailloux complète sa gamme avec la distribution d’autres produits (ardoises, pierres de Dordogne…) « sourcés » en France ou Europe. Récemment, la PME a franchi un nouveau palier avec l’acquisition d’une société équipée en commande numérique (1), ce qui facilite la fabrication de plans de cuisine et autres surfaces en pierre. « Nous ciblons ce marché très concurrentiel en nous démarquant sur la technicité, le design et l’emploi de marbres des Pyrénées » souligne Xavier Marquié en déplorant que les architectes n’aient pas suffisamment le réflexe « pierre » dans leurs ouvrages.
En ce qui concerne les clients, une partie du CA est générée par la commande publique (20%), l’essentiel des ventes provenant du secteur privé. Le bouche à oreille constitue la meilleure des publicités car si le Sarrancolin bénéficie d’une renommée mondiale, son adoption par le grand public relève de l’affectif, de l’attachement à un territoire et à un produit d’exception. Une dimension que les Chinois ont bien saisie. 90% des blocs extraits de la carrière sont exportés vers ce pays où abonde la demande de pierres à connotation royale pour décorer les palaces en construction.
Emma BAO
Diffusé le 1-09-2013
(1) Reprise d’une entité équipée de matériel à commande numérique et spécialisée dans la fabrication de plans de cuisine et autres surfaces en pierre.
Encadré 1
Parmi les références :
Le centre thermo-ludique Aquensis de Bagnères
La façade des thermes de Barèges
La façade de la télécabine de Cauterets
Les fontaines du cours Reffye à Tarbes
Le théâtre des Nouveautés à Tarbes (restauration des soubassements de la salle de réception réalisés en marbre de Sarrancolin).
Les fontaines de Sarrancolin
Les fontaines des thermes de Luchon
Encadré 2
Parcours
Son père a œuvré pour la réouverture des deux carrières de Sarrancolin il y a une vingtaine d’années. Partageant la même passion pour les marbres des Pyrénées, Xavier Marquié a suivi à Saint-Etienne (au sortir d’un baccalauréat économique) une formation sur les métiers de la pierre ornementale et granulats. Travaillant le marbre depuis une vingtaine d’années, ce quadragénaire père de deux enfants cultive sa fibre artistique, en jouant de la musique dans le groupe qu’il a constitué mais aussi en ouvrant les portes de son entreprise à des sculpteurs. Deux tailleurs de pierre indépendants trouvent sur place les moyens nécessaires pour donner libre cours à leur créativité.
Article 2
Réouverture des carrières : l’implication de Robert Marquié
Médecin installé dans son village natal, Robert Marquié a eu à cœur le développement économique de Sarrancolin en cherchant à valoriser les 3 ressources naturelles de ce territoire pyrénéen : l’eau, la forêt et le marbre. Conseiller municipal en 1977 puis maire en 1989 (il exercera aussi le mandat de conseiller général), il a pu mener à bien son projet. La commune a retrouvé un cachet médiéval avec le pavage des rues, le réaménagement des rigoles d’eau, la restauration progressive du patrimoine. La source et le ruisseau du Vivier sont omniprésents dans ce bourg de montagne, une halte pleine de charme pour les visiteurs de passage. « Tradition et modernité y cohabitent, construire l’avenir des jeunes en créant des emplois demeure une priorité » souligne Robert Marquié.
Axe de développement pour la vallée, la foresterie et la transformation première du bois sont encouragées.
Quant aux pierres des Pyrénées, Robert Marquié s’est fortement impliqué pour aboutir à la réouverture des 3 carrières du secteur : Ilhet d’où est extrait le Sarrancolin, Beyrède (un gisement veiné de gris et blanc), l’Oule (marbre vert). Pour assurer l’exploitation, il a sollicité le granitier Plo dans le Tarn, une PME familiale dont le dirigeant, Jean-Pierre Plo médecin de métier, a repris la direction au décès de son père. Cette entreprise a donc relevé le défi sur les deux premières carrières. L’activité a repris sur Beyrède en 1990, un an et demi après redevenait opérationnelle la carrière d’Ilhet (après construction de la route, apport de l’eau et électricité). La société Plo est titulaire d’un bail sur 20 ans, en cours de renouvellement actuellement.
Les débouchés commerciaux passent par la plaque tournante de Carrare, place de marché mondiale. Jean-Pierre Plo et son épouse Brigitte exportent le granit et le marbre de Sarrancolin vers plusieurs destinations, la Chine est le premier acheteur de la quasi-totalité du Sarrancolin suivie de l’Inde, la Russie, les Emirats Arabes Unis.
Encadré 1
Dans l’histoire du Sarrancolin
Sous Louis XIV, le duc d’Antin avait le contrôle de la carrière royale de Sarrancolin ainsi que d’autres gisements marbriers. A l’époque, les blocs étaient acheminés par radeau, empruntant la Neste et la Garonne jusqu’à Bordeaux puis la marchandise remontait vers la Seine et la Loire.
Lors de la révision cadastrale de 1836, la carrière de marbre de Sarrancolin a été rattachée à la commune d’Ilhet, celle de Beyrède au village du même nom. Napoléon III a fait revivre ces carrières dont la pierre a été largement utilisée lors de la construction de l’Opéra Garnier. L’empereur dans un écrit avait prévu que les communes propriétaires des carrières reversent 31% des redevances perçues à la commune de Sarrancolin. Une décision tombée dans l’oubli et qu’un récent jugement a remis d’actualité, reconnaissant à Sarrancolin cette prérogative.