Les récentes catastrophes qui se sont produites, en 2006, lors du pèlerinage annuel de La Mecque ou, en 2010, au cours de
Jusqu’à aujourd’hui, les modèles de déplacement de foule étaient pour la plupart construits à partir d’analogies avec des systèmes physico-chimiques. Le comportement d’un piéton était formalisé à l’aide d’une combinaison de forces d’attraction l’attirant vers sa destination et de forces de répulsion le repoussant des autres individus et des obstacles. Mais ces modèles, difficiles à calibrer, ne parviennent qu’imparfaitement à reproduire le réel. Pour pallier à ces difficultés, Mehdi Moussaïd et Guy Theraulaz du centre de recherche sur la cognition animale (CNRS / Université Toulouse 3-Paul Sabatier), en collaboration avec Dirk Helbing de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, ont proposé une nouvelle approche issue à la fois des sciences cognitives et de la physique des systèmes complexes, qui combine étroitement expérience et modélisation.
Leur modèle suggère qu’un piéton cherche simplement à minimiser l’encombrement de son champ visuel en se dirigeant vers les espaces libres qu’il perçoit, tout en ajustant sa vitesse afin de conserver une distance de sécurité par rapport à l’obstacle le plus proche. Les simulations numériques de ce modèle montrent que ces deux règles simples sont suffisantes pour reproduire une large palette de comportements collectifs observés dans les foules, comme la structuration spontanée d’un trafic bidirectionnel en deux files circulant en sens opposé. Par ailleurs, à mesure que la densité de piétons augmente, le modèle prédit l’émergence de nouveaux phénomènes, comme l’effet d’accordéon caractérisé par des vagues successives de mouvements vers l’avant, entrecoupées de périodes durant lesquelles les piétons s’arrêtent. Au-delà d’un seuil critique de densité, la combinaison de ces règles avec l’effet des contacts physiques entre piétons provoque spontanément de gigantesques bousculades collectives. Ce phénomène appelé « turbulence » a été observé lors des accidents survenus à La Mecque en 2006 et caractérise la dynamique d’une foule en situation dangereuse. Les piétons subissent alors des mouvements chaotiques.
Ces récents travaux permettent de mieux comprendre la dynamique d’une foule en déplacement et ouvrent la voie au développement de nouveaux outils de planification des risques. Le modèle conçu par les chercheurs permet par exemple d’identifier les zones potentiellement dangereuses dans un environnement.
Diffusé le 19-04-2011