Basée à Saint-Papoul, dans l’Aude, la société Tracto-Lock a conçu un système d’attelage automatique unique au monde, primé lors des Inn’Ovations 2023. Plongée dans l’univers de Romain Ribo, son créateur.
Tracto-Lock, basé dans l'Aude, a conçu le premier système d'attelage universel au monde. (Photo : Tracto-Lock)
Les accidents font partie du quotidien des agriculteurs et connaissent des raisons multiples. Mais pour Romain Ribo, une problématique est bien plus aiguë. « En France, il se produit un accident grave tous les deux jours, qui entraîne une incapacité physique, à cause d’un problème d’attelage. Et quand la prise de force est impliquée dans un accident, cela entraîne 37% de décès et 23% d’amputation. L’opération d’attelage est toujours aussi galère et c’est incroyable de devoir toujours descendre de la cabine, forcer et prendre de vrais risques pour déconnecter l’outil, la prise de force. Cela semble archaïque ».
« Nous sommes partis de zéro »
Fils d’agriculteur, il fonde en 2012 la société Tracto-Lock pour remédier à ce problème et trouver des solutions à un secteur bien spécifique mais central « dans lequel aucune innovation majeure n’a été faite depuis 60 ans », dit-il.
Pour tous les tracteurs
« Parti de zéro », Romain Ribo s’est concentré sur la création d’un attelage automatique universel, et robotisé, qui puisse s’adapter à n’importe quelle machine. De la plus traditionnelle et rustique à la plus moderne et 3.0. Il a fallu huit longues années à Romain Ribo pour aboutir à une première version du produit. Le dispositif a été breveté en 2019 et Tracto-Lock travaille avec l’écosystème local pour faire évoluer la technologie et travailler sur la conception des machines.
Basée à Saint-Papoul, dans l’Aude lauragaise, la société (composée de 3 salariés) travaille en collaboration avec des entreprises haut-garonnaises comme la Société toulousaine d’étude et d’usinage (STDU), basée à Pinsaguel, l’entreprise Mécalaser, à Revel, spécialisée dans la découpe laser, la soudure et la gravure, ou encore la Sotrem, à Colomiers, pour la production électronique.
Comment ça marche ?
Avec Tracto-Lock, l’agriculteur peut effectuer n’importe quelle opération d’attelage/dételage d’outils portés, semi portés et traînés en moins d’une minute (contre 5 à 10 minutes manuellement) et sans descendre de la cabine. Et ce, au moyen d’une télécommande intégrée dans la cabine de l’agriculteur.
« Le principe consiste à installer une interface mâle sur les trois points du tracteur et une interface femelle sur différents outils de la ferme. Le dispositif est universel et ne nécessite aucun aménagement particulier sur le tracteur ou sur l’outil », explique Romain Ribo.
« Notre outil est un argument pour les nouvelles générations »
Romain Ribo et Quentin Derouck, son directeur commercial, sillonnent les salons, multiplient les rendez-vous avec les lycées agricoles et les agriculteurs, leurs clients potentiels. Ils en ont tiré un constat : « Alerter sur le danger de l’attelage n’est pas un argument commercial pour eux. Cela vient après l’argument du confort. Tracto-Lock, c’est un gain de temps et surtout un gain physique. Il faut penser aux gens seuls dans leurs exploitations, aux femmes, aux personnes handicapées… Cette nouveauté, c’est aussi un argument pour les nouvelles générations », expliquent les deux hommes.
"Une innovation unique au monde"
Désormais, Tracto-Lock est lancé sur une période de 6 à 12 mois pour consolider son développement R&D, améliorer l’ergonomie et lever les freins autant techniques que psychologiques sur cette « innovation unique au monde », insiste l’entrepreneur. « A ce jour, aucun dispositif n’est venu automatiser la séquence de liaison tracteur/outil », défend l’Audois.
Des tests grandeur nature dans le Lauragais
L’innovation est testée depuis plusieurs années par des agriculteurs du Lauragais. Le premier à l’avoir testé est un céréalier de Nailloux, en Haute-Garonne, qui possède une superficie de 140 hectares. Actuellement, René et son fils Simon, éleveurs de bœufs à Verdun-en-Lauragais, testent l’outil. « Le système est fiable et facilite vraiment le quotidien », estime René.
Son fils, lui, loue l’autonomie engendrée par Tracto-Lock. « Pouvoir atteler seul sans appeler à droite à gauche pour un coup de main, c’est top. Même ma mère, pour qui l’attelage est assez physique, l’attelle seule ».
Vers une commercialisation avant fin 2024
Accompagnée dans la stratégie par la région Occitanie, la société audoise est financée par des investisseurs privés d’un montant de 2 millions d’euros depuis dix ans. « Nous espérons arriver à commercialiser le produit d’ici fin 2024. Nous n’avons pas le droit à l’erreur », explique Quentin Derouck.
Car c’est un marché mondial colossal qui s’ouvre pour Tracto-Lock. « La France, c’est 45 000 tracteurs neufs par an en 2021 et 2 millions dans le monde. Et ce sont 30 millions de tracteurs qui fonctionnent dans le monde », détaille Romain Ribo.
Côté prix, la fourchette moyenne du système par tracteur oscille entre 17 000 et 20 000 euros. Le dirigeant de Tracto-Lock, à travers sa création, voit à plus long terme. « Les Etats-Unis sont le premier pays où l’on voit arriver les tracteurs autonomes avec John Deere. Cela va arriver en France d’ici 2030 et le métier d’agriculteur va forcément évoluer. Notre machine peut être un outil de transition », conclut Romain Ribo.
Tracto-Lock parmi les lauréats Inn’Ovations La société audoise figure parmi les lauréats de la 42e édition des Inn’Ovations, l'événement qui récompense chaque année les entreprises les plus innovantes à Toulouse et en Occitanie. Romain Ribo s’est vu décerner le Prix « Innovation et territoires » à l’occasion d’une cérémonie qui s’était déroulée à la Cité de Toulouse. Les lauréats de ces différentes catégories ont été récompensés d’une dotation de 25 000 euros chacun par la Région Occitanie et les partenaires du concours : BNP Paribas, EDF et Enedis. |