L'usine Danone de Villecomtal-sur-Arros, dans le Gers, se transforme en passant de la fabrication des yaourts au jus d'avoine. 43 millions d'euros ont été investis dans ce virage stratégique. Reportage.
L'usine de Danone dans le Gers emploie 138 salariés. 43 millions d'euros ont été investis pour la modernisation du site. (Photo : Anthony Assémat - Entreprises Occitanie)
L'usine Danone du Gers entame sa révolution. Le site de Villecomtal-sur-Arros, à la lisière des Hautes-Pyrénées, était historiquement un grand producteur de yaourts pour le groupe français (lire encadré ci-dessous). Mais en 2021, la direction prend un virage à 180° et décide de dédier l'usine gersoise (qui s'étend sur une surface de 22 ha, dont 2 ha de bâtis) à la fabrication d'un produit qui fait florès auprès des consommateurs : le jus d'avoine.
"La transition n'a pas été facile"
Antoine de Saint-Affrique, le directeur général, était présent à l'inauguration officielle de la transformation du site, lundi 12 février 2024, qui a coûté 43 millions d'euros. "C'est le premier investissement que j'ai signé en tant que nouveau directeur général ! C'est un lieu symbolique pour moi, celui de l'adaptation des métiers de nos "Danoners", et je sais que la transition n'a pas été facile. Il faut anticiper les marchés de demain et nous aspirons à devenir le premier site en Europe pour la transformation du jus d'avoine".
Les salariés ont bénéficié de 110 jours de formation, soit 15 000 heures dispensées en 2023. Une transformation stratégique qui s'est réalisée au détriment des éleveurs laitiers de la région, qui fournissaient Danone sur place.
Danone compte désormais trois usines de production alternatives au lait en Europe : deux en France (Villecomtal-sur-Arros et Issenheim, en Alsace, spécialisée, elle, dans le soja), une à Wevelgem (Belgique) et une autre en Angleterre. Dans le Gers, la production autour de la marque Alpro (qui sera fortement présente lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris), avec 74 références, est destinée à 90% à l'exportation.
26 pays européens approvisionnés
Thierry Pasquet, qui après 20 ans passés dans l'usine, est en train de passer la main de la direction à Mina Blouri, détaille les capacités de cette usine transformée :
"Ce site approvisionne 26 pays européens et l'ambition, à terme, est de servir 50 pays. La France pèse 5 à 10% du marché. L'usine fabrique 300 000 briques par jour et 100 000 tonnes par an. Mais nous avons encore 25% de capacité au sein de l'usine".
Selon lui, l'usine gersoise, avant cette transition, était "sur le podium des sites les plus performants de Danone en Europe". Alors pourquoi cette révolution ? "La volonté du groupe était de maintenir les outils de production. Transformer plutôt que construire de nouvelles usines. Les bâtiments sont conçus pour accepter la transition et nous voulions pérenniser le site sur le territoire. La production de yaourts, elle, sera ventilée sur trois autres sites situés dans le bassin lyonnais, dans la région de Lille et de Rouen", poursuit Thierry Pasquet.
Les derniers pots de yaourts ont été fabriqués en juin 2023. L'avoine vient d'Europe, essentiellement d'Espagne. "La filière locale n'est pas encore structurée", indique la direction.
Comment fonctionne l'usine
L'usine, qu'Entreprises Occitanie a pu visiter, compte deux lignes de production dédiées à l'avoine (la première a été ouverte en novembre 2023, et la deuxième début 2024) : l'une à faible cadence (8000 litres/heure) et l'autre à haute cadence (16 000 litres/heure). Une usine ultra automatisée mais avec toujours la patte humaine pour le contrôle qualité. La fabrication des briques de jus d'avoine Alpro exigent plusieurs étapes. La première consiste à réceptionner la farine d'avoine (l'Europe en est la première productrice) et d'en faire son hydratation. Les graines sont décortiquées puis moulues et la farine est stockée dans six silos (quatre de 130 m3 et deux de 65 m3). La farine est mélangée avec l'eau de l'Arros.
Lors de la deuxième étape, les enzymes sont incorporées au mélange eau + avoine et de la vapeur à 95°C est injectée pour inhiber les enzymes. La troisième étape est dédiée à la formulation. Au jus d'avoine, sont incorporés des enrichissements nutritionnels, comme la fibre de chicorée, le calcium, l'huile de tournesol... La quatrième étape concerne la stérilisation, à 145 °C, pour homogénéiser le produit. L'étape suivante, elle, consiste à stocker dans des tanks aseptiques le produit stérile prêt à être diffusé dans les briques. Ensuite, place à la palettisation et à l'expédition (750 briques par palette, et une palette chargée toutes les sept minutes). La marque Alpro, ce sont plus de 20 millions de litres de boissons d'origine végétale distribués en France (pour 3,6 millions de consommateurs réguliers), contre plus de 300 millions en Europe.
A plein régime dès l'été 2024
Enfin, la sixième et dernière étape est réservée au contrôle qualité et en laboratoire, où sont menées des analyses physico-chimiques. Une trentaine d'analyses sont menées sur la chaîne finale.
Dès cet été 2024, l'usine tournera à plein régime, 7 jours/7 et 24h/24 et des ombrières photovoltaïques alimentent l'électricité du conditionnement.
L'histoire démarre en 1956 avec la naissance d'une laiterie, qui va être dirigée par Alain Frémont de 1960 à 1997. En 1963, la laiterie amène sa propre marque et signe un partenariat avec Gervais avant de devenir le fournisseur exclusif du groupe pour le grand Sud-Ouest. En 1975, 140 références de yaourts sont produites, notamment Taillefine, Velouté ou Danone aux fruits.
L'automatisation fait son entrée dans le quotidien de l'usine en 1983 et en 1996, l'usine, porte-étendard de la production de yaourts aux fruits pour Danone, passe le cap des 100 000 tonnes.
Danone rachète complètement l'usine gersoise en 2000, qui bat son record de production en 2011 avec près de 150 000 tonnes de yaourts. Le virage vers la production végétale est décidée en 2021 et s'est concrétisée avec l'ouverture de deux lignes de production entièrement dédiées à la conception de jus d'avoine.