L'association 60 000 Rebonds oeuvre, en Occitanie, au suivi des chefs d'entreprise qui ont connu un échec et les aide à rebondir pour redonner un nouvel élan à leur carrière. Témoignages.
L'association 60 000 Rebonds organise un suivi de plusieurs mois auprès des chefs d'entreprise avec un coach et un parrain dédiés pour les relancer. (Photo : 60 000 Rebonds)
"Il était hors de question que cet échec entrepreneurial me laisse sur le bord de la route". Fabienne Dias possède plus de 25 ans d'expérience dans la grande distribution alimentaire. En avril 2021, elle ouvre un nouveau chapitre de sa vie en créant son magasin dans le secteur du bio, à Toulouse (Haute-Garonne), avec une grande enseigne nationale. "Je pensais maîtriser les rouages du secteur à 360°", explique-t-elle.
"Je savais que j'allais rebondir"
Mais les conséquences d'après-Covid et "une étude de marché surgonflée" selon elle ont rapidement entraîné Fabienne Dias dans une spirale infernale, jusqu'à la liquidation judiciaire en novembre 2021.
"J'avais un emprunt bancaire avec caution personnelle et j'ai dû vendre un bien pour éponger ma dette. J'avais vécu d'autres coups durs mais je savais que j'allais rebondir. Sauf que je ne savais pas alors comment".
Fabienne se tourne alors vers l'association 60 000 Rebonds (présidée par Ségolène de Blaÿ), qui accompagne gratuitement les chefs d'entreprise dans ces moments de creux et de difficulté pour les aider à remonter la pente. Et reprendre confiance en eux. "J'ai eu un premier entretien début 2022 pour juger mon état d'esprit avant d'être suivie par 60 000 Rebonds. Cela permet dans un premier temps de parler de notre histoire et de dédramatiser cet échec. On ne se sent pas seul", poursuit-elle.
"Il faut dédramatiser l'échec"
Elle a bénéficié d'un accompagnement avec un parrain et une coach. Cette coach, c'est Lynda Longeau. Bénévole depuis 2020, elle ne compte pas ses heures pour accompagner ces entrepreneurs et leur redonner la gnaque.
"Aujourd'hui, un entrepreneur en difficulté a plus de facilité à en parler. L'échec est vu comme un tabou en France, le regard évolue tout doucement. Il faut dédramatiser l'échec".
Quel suivi dans l'association ?
Chaque entrepreneur passe un premier entretien pour tester sa motivation et valider le fait qu'ils ont réellement besoin de soutien, et un suivi se met en place avec un coach et un parrain. Un Copil se tient chaque mois avec tous les bénévoles et les entrepreneurs suivis autour de la table. "C'est un véritable engagement sur 24 mois avec des rendez-vous réguliers. Le but est de retrouver l'estime de soi car certains arrivent chez nous très abîmés. Mais au bout de six mois, on sent souvent chez ces entrepreneurs les prémices de projets futurs", poursuit Lynda Longeau.
L'association suit uniquement des personnes qui ont connu une liquidation judiciaire et sont passées par le tribunal de commerce. 50% repartent ensuite vers de l'entrepreneuriat, et 50% vers du salariat. "Après plusieurs années de grand sacrifice, certains ont besoin de retrouver de la sécurité", analyse Lynda Longeau.
Plus de 5300 défaillances en 2023
En 2023, 5 329 procédures de défaillance ont été enregistrées en Occitanie, représentant une augmentation significative de 40% par rapport à l'année précédente. L'impact sur les petites et moyennes entreprises (PME) est particulièrement notable, avec 93% des défaillances concentrées dans cette catégorie. Les Hautes-Pyrénées, l'Aveyron et la Lozère ont notamment connu une inquiétante hausse de plus de 70% entre 2022 et 2023.
Présente en Occitanie depuis dix ans, l'association poursuit son développement territorial. En 2023, elle a ainsi ouvert une antenne dans le Gard ainsi que dans le Tarn. Des départements où les besoins étaient forts. "En 2023, le Tarn a enregistré 296 défaillances d'entreprises, soit une augmentation de 29% par rapport à 2022, et le Gard a enregistré 607 défaillances d'entreprises, soit une augmentation de 29% également", explique-t-on du côté de 60 000 Rebonds.
Dans le Gard, la coordinatrice des 8 bénévoles se nomme Louise Cardwell. Dans le Tarn, l'équipe de 10 bénévoles est menée par un duo de référents : Gilles Neyret et Sébastien Micheneau.
"L'envie ne fait pas tout pour repartir"
Jean-Baptiste Garin se retrouve lui aussi dans cette phase de reconstruction. Après une dizaine d'années dans l'entrepreneuriat, l'ancien gérant de myDigitplace, spécialisé dans la sécurité informatique, s'est retrouvé sur le carreau après une nouvelle aventure qui n'a pas fonctionné. Plusieurs personnes de son réseau l'ont naturellement orienté vers 60 000 Rebonds. Il témoigne :
"L'envie ne fait pas tout pour repartir sur de bonnes bases. J'avais besoin de coaching après cette période compliquée même si je suis un éternel optimiste avec une énorme résilience. Savoir que l'on n'est pas seul, c'est comme une thérapie".
Le Toulousain a connu ce sentiment d'être "seul au monde du jour au lendemain. On a l'impression de couler, 80% de ton réseau disparait". Il a fait sa connaissance avec son coach mardi 14 mai 2024 et a choisi le système du portage salarial - "je garde mon statut d'indépendant avec la sécurité du salariat" - en attendant d'autres horizons et d'autres projets. "C'est un bon outil pour rebondir", conseille Jean-Baptiste Garin.
Des relations d'entrepreneurs et humaines
Fabienne Dias a rebondi en tant que salariée et plusieurs fois, et occupe un poste de responsable administrative et comptable dans un magasin Super U de l'agglomération toulousaine. "Lynda m'appelle le kangourou !", sourit-elle. Elle est passée par plusieurs séances pour "désacraliser tous les points, définir ce qui me caractérisait, savoir où j'avais péché". Cette étape l'a aidé à accepter qu'elle n'était pas "responsable à 100%" de son échec. "Grâce à 60 000 Rebonds, je me suis retapée et réarmée professionnellement, et j'ai regagné en légitimité", rend-elle hommage. "Après le suivi, on crée quelque chose en terme de relation humaine avec les entrepreneurs. On a un sentiment d'utilité en tant que bénévole, cela fait plaisir", estime Lynda Longeau.
"Il faut encourager les entrepreneurs qui vont vous lire et il y a un vrai message d'optimisme à faire passer !", encourage Fabienne Dias, qui voudra rendre ce que 60 000 Rebonds lui a donné. "A moyen terme, il est évident que je reviendrai dans l'association pour aider".
- 40 entrepreneurs accompagnés en 2023, avec une moyenne d'âge de 50 ans
- 38% des entrepreneurs accompagnés sont des femmes
- 84 bénévoles (18 coachs, 25 parrains et 41 experts)
- 130 accueils téléphoniques d'entrepreneurs réalisés
- 30% des entrepreneurs qui prennent contact avec l'association sont ré-orientés vers des acteurs de la prévention tels que le Tribunal de commerce, l'administrateur judiciaire...