Nommé le 1er avril 2022, Sylvain Panas est le premier directeur régional Occitanie au sein du groupe TotalEnergies. Le géant français est bien implanté dans notre région et fonce sur les énergies renouvelables. Mais que pèse le groupe dans notre région ? Rencontre.
Hydrogène, éolien, photovoltaïque... Sylvain Panas, directeur de TotalEnergies en Occitanie, détaille ses ambitions sur les énergies renouvelables. (Photo : TotalEnergies)
Activités, projets, emploi… Sylvain Panas évoque pour Entreprises Occitanie les grands enjeux énergétiques dans notre région.
Vous êtes le premier directeur régional de TotalEnergies en Occitanie. Pourquoi le groupe a décidé de se rapprocher davantage des régions ?
Ce poste a été créé fin mars 2022. Historiquement, la société fait 95% de son business à l’international et assez peu en France. En France, il existe un seul petit gisement pétrolier, à Parentis-en-Born (Landes), mais il n’est pas géré par TotalEnergies (c’est la société canadienne Vermilion qui l’exploite, ndlr).
Il faut savoir que l’Occitanie est, pour nous, la région ayant le plus gros pôle d’énergies renouvelables en France, notamment depuis le rachat de Quadran en 2020. Ici, nous exploitons 266 MWH de projets en éolien et photovoltaïque, soit l’équivalent d’une ville de 271 000 habitants.
"En 2030, les énergies renouvelables vont représenter 20% de notre mix énergétique, avec une croissance rapide. Le renouvelable est un gros investissement pour nous, nous serons dans le Top 5 mondial en 2030. Et ce domaine n’est pas exportable, c’est une énergie locale donc le travail doit se faire en étant plus ancré dans les territoires. Nous avions besoin de gens sur le terrain pour les développer et ce, sans s’affranchir des relations avec les décideurs locaux. Nos ambitions sur le renouvelable sont fortes en Occitanie".
115 projets sur le renouvelable, 807 salariés
Quelle est la place de TotalEnergies en Occitanie ? Que pèse concrètement le groupe ?
En Nouvelle-Aquitaine, à Pau, nous avons installé le centre R&D mondial, avec le troisième ordinateur le plus puissant au monde. A Agen, nous allons recruter 150 personnes dans le secteur du biogaz car nous allons y installer dans le Lot-et-Garonne le siège social français, et créer notre propre école de formation (en 2021, TotalEnergies a pris le contrôle de Fonroche Biogaz, le leader français de la méthanisation installé à Roquefort).
En Occitanie, au 24 janvier 2023, nous avions 807 salariés, dont 305 sur la branche GRP, qui est la branche verte du groupe, sur l’éolien et le biogaz, ainsi que 460 personnes sur la partie marketing et services. Ce secteur représente les métiers de la distribution de carburants, les stations-services, les dépôts pour l’aviation, les livraisons à domicile, le dépôt de Lespinasse en Haute-Garonne…
"Nous sommes dans 115 projets en Occitanie, tant dans l’exploitation effective, la construction et le développement : 100 dans le solaire, 9 dans l’éolien et 6 dans l’hydroélectrique. A terme, la puissance de ces projets sera de 970 MW (soit la production équivalente à la consommation de près d’un million d’habitants), avec 64 501 tonnes de CO2 évitées".
Enfin, après cette période de sobriété énergétique et les craintes sur le passage de l’hiver, notons que la moitié de la consommation énergétique de l’Occitanie provient du carburant, de nos déplacements en voiture. L’électricité représente un quart, et le gaz le dernier quart.
Nucléaire : notre région peut-elle être concernée par les mini-réacteurs ? Ces derniers mois, le président de la République Emmanuel Macron a remis la question du nucléaire sur le devant de la scène. Sujet qui était au cœur, également, de la campagne présidentielle de 2022. Dans le cadre de son plan France 2030, le chef de l’Etat a lancé l’idée de construire des centrales nucléaires plus petites, nouvelle génération et plus faciles à fabriquer. Et aussi innovantes en matière de gestion des déchets. L’Occitanie pourrait-elle être concernée par ce projet ? Potentiellement oui selon Sylvain Panas. « A Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, il existe le foncier pour créer deux mini-réacteurs. Dans la région, seul ce site pourrait être concerné car ces structures plus petites doivent se situer dans l’environnement de centrales existantes. Après cela pose un autre sujet : celui du refroidissement de ces structures car la Garonne est trop chaude ». Le directeur régional voit un autre obstacle de taille. « Ces dernières années, la compétence sur le nucléaire s’est effilochée. Il y a un problème de compétence technique et de volonté des plus jeunes de travailler dans le nucléaire. L’attractivité est un vrai sujet dans ce domaine industriel ». |
"L'énergie va devenir plus chère et moins abondante"
Déclinons la part de chaque secteur énergétique dans la région. L’éolien, d’abord.
Le dernier projet concrétisé est le parc éolien du Born Pelouse, en Lozère, inauguré en octobre 2022 et qui sera mis en service en 2027. L’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) avait été initié en 2008 par les communes et la communauté de communes Cœur de Lozère. C’est un investissement de 45 millions d’euros – dont 800 000 euros en financement participatif - pour huit éoliennes avec un co-actionnariat à 50% avec la Banque des Territoires.
Le problème avec l’éolien terrestre, c’est que les zones potentielles se raréfient et que le temps administratif est long. En France, pour un tel projet, il faut compter en moyenne un délai de 13 ans, contre 2 ans aux Etats-Unis. La France est le pays le plus compliqué à ce niveau-là. Et cela retarde la volonté régionale d’être à énergie positive en 2050. Nous allons surtout remplacer des éoliennes déjà en exploitation, dans l’Aude. Les premières éoliennes ont plus de 20 ans. Sur l’éolien, l’actualité se concentre avant tout sur l’offshore.
Justement, la Région Occitanie est volontariste sur l’éolien offshore avec Eolmed. Présentez-nous ce projet.
Eolmed est une ferme éolienne pilote de 30 MW située à 18 km au large de Gruissan (Aude), et nous prévoyons d’installer un centre de savoir-faire avec déploiement industriel à Port-la-Nouvelle. Nous sommes actionnaires à hauteur de 20% et la mise en service est prévue pour 2024 avec une production estimée de 113 GWh/an, soit la consommation électrique d’environ 50 000 habitants. L’investissement est de 300 millions d’euros.
L’éolien flottant permettra la création de 150 emplois pour l’installation. Et le projet Eolmed fait travailler un sous-traitant à Figeac, dans le Lot (l’usine Matière), qui emploie 80 personnes et qui fabrique les flotteurs de ces futures éoliennes en mer.
Par ailleurs, à l’horizon 2030, nous sommes sur l’appel d’offres AO6, qui consiste à créer deux parcs d’éoliennes flottantes, de 250 MW chacun, au large de Narbonne (Aude) et de Fos-sur-Mer, en Provence, ou de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Un appel d’offres ultérieur sera lancé pour une extension de 500 MW chacun, soit la capacité d’une demi-centrale nucléaire.
"Pour TotalEnergies et les consommateurs, l’éolien offshore coûte plus cher. Mais cela fait partie du sujet énergétique en France. L’énergie va devenir plus chère et de moins en moins abondante".
Quels sont les projets de TotalEnergies dans le photovoltaïque ?
Deux projets sont en cours, portés également par l’Agence régionale énergie climat (Arec) : le premier à Saint-Estève, dans les Pyrénées-Orientales, pour lequel la préfecture nous a récemment délivré les autorisations. L’équipement sera installé sur l’ancienne décharge communale et produira jusqu’à 3,9 GWh. On espère la mise en service en 2024. A Tavel, dans le Gard, le projet photovoltaïque est soumis à instruction auprès de la préfecture depuis décembre 2022. Il se compose de 23 pylônes haute tension, au sein d’une zone classée an niveau d’aléa très fort feu de forêt. Une centrale solaire contribuerait à réduire ce risque.
Le photovoltaïque est plus acceptable par la population que les éoliennes mais il faut savoir qu’un litre d’essence équivaut à deux terrains de foot de panneaux photovoltaïques… C’est gourmand en foncier, les démarches sont de plus en plus difficiles et la rentabilité est parfois compliquée à trouver, en lien direct avec la hausse des loyers.
"Quant à l’agrivoltaïsme, il pose le sujet du partage de la valeur. Les hangars avec des panneaux, c’est bien, mais ce n’est pas ce qui va remplacer le nucléaire !"
Nous avons inauguré une première unité dans l’Aude sur de la vigne. C’est un sujet sur lequel nous travaillons avec les Chambres d’agriculture. Sur ces installations, les panneaux bougent selon le climat, la technologie est avancée. Mais il ne faut pas détériorer les rendements car le modèle agricole doit servir avant tout à faire manger. Tout ceci est en test. Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’il y a un sujet pour la vigne mais que ce n’est pas possible pour les pommes.
La méthanisation ne fait pas souvent l’unanimité. Où en est-on ?
Nous possédons deux installations : l’une à Gramat, dans le Lot, créée en 2017, et l’autre à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales, lancée en 2020. Chaque unité produit 14 GWH d’électricité par an et traite 57 000 tonnes de déchets, pour un investissement total proche de 27 millions d’euros.
Côté projets, nous avons toutes les autorisations dans le Gard pour MéthArgence mais il nous faut trouver un autre foncier car le projet a été bloqué par les collectivités locales. Un plan B est en cours.
"A Toulouse, nous faisons partie du consortium pour créer une unité dans le nord de la ville, sur un modèle de méthaniseur lié à du bio-déconditionnement, en lien avec les cantines scolaires par exemple. Toulouse fait partie des premières cibles identifiées".
On parle beaucoup de décarbonation dans l’aéronautique. Quelles sont vos relations avec Airbus ?
Airbus compte effectivement sur nous pour décarboner l’aéronautique, notamment sur les biocarburants. D’autant que le premier plein de chaque Airbus, c’est un plein TotalEnergies.
« On ne sauvera pas le monde de l’énergie avec de l’hydrogène ! »
Autre sujet majeur dans la région : l’hydrogène, et notamment l’hydrogène vert. Quel est votre regard sur cette énergie ?
Nous avons été retenus le 23 juillet 2022 à l’occasion d’un Appel à manifestation d’intérêt porté par Alès Agglomération, qui va nous permettre d’accompagner la collectivité dans le développement de son écosystème hydrogène et de développer un premier projet d’énergie renouvelable avec une station de production et de distribution d’hydrogène alimentant les mobilités locales.
Mais attention avec les termes : l’hydrogène n’est pas une énergie ! C’est un vecteur, un moyen de stockage. Il faut le fabriquer et pour faire de l’hydrogène vert, grâce à l’électrolyse de l’eau potable, il faut du renouvelable.
"Nous ferons des choses sur l’hydrogène mais on ne sauvera pas le monde de l’énergie avec de l’hydrogène !"
A la rentrée 2022, vous avez lancé une nouvelle formation, Green-Air, axée sur la transition énergétique à l’université Paul-Sabatier. Quelques mois après, quel premier bilan faites-vous de cette initiative ?
C’est un succès pour le moment. Nous avons déjà une étudiante du Master en stage au sein de notre équipe TotalEnergies Renouvelables pour la construction de projets photovoltaïques et éoliens. Dans ce projet, des professeurs associés interviennent et des visites de sites (unité de méthanisation, centrale solaire…) sont organisés en Occitanie.
TotalEnergies possède une fondation. Quelles sont ses actions chez nous ?
Elle intervient exclusivement en faveur de la jeunesse, en particulier la plus vulnérable autour de la sécurité routière, de la préservation du littoral, du patrimoine, de l’éducation et de l’insertion. Et nous soutenons plusieurs projets en tant que mécène comme la rénovation du Palais Niel et la maison des patients, l’association Aïda et la fondation Toulouse Cancer santé à Toulouse, le château de Lavardens dans le Gers ainsi que le festival Jazz in Marciac, le château de Launaguet en Haute-Garonne…
TotalEnergies est aussi un sponsor de la Coupe du monde rugby qui se déroulera en France cet automne…
En effet, nous organisons d’ores et déjà des événements festifs dans toute la France en partenariat avec le Midi Olympique, pour promouvoir la compétition et l’esprit du sport. Nous finançons des événements en faveur de la jeunesse.
Récemment, nous avons par exemple fait venir des jeunes au stade Aimé-Giral de Perpignan, un club avec qui nous avons signé un partenariat. Nous souhaitons dupliquer cette action dans différentes villes de rugby.
Un déploiement massif de bornes de recharge électrique dans les stations Il existe 263 stations TotalEnergies+53 stations ELAN gérées par la filiale Alvea. Cela représente 180 emplois. TotalEnergies a mis en place en Occitanie un plan de modernisation de certaines stations pour les transformer en multi-énergies, avec notamment la mise en place de bornes de recharge électrique. A Toulouse, quatre sites sont concernés : Rocade Purpan (création de hubs de 16 points de charge avec une réouverture de la station en juin 2023), Blagnac Lomagne (quatre points de charge), Toulouse Espagne (six points de charge), Toulouse Grande-Bretagne (7 points de charge) et Saint-Alban (16 points de charge). Des études sont en cours pour les stations des Raisins et des Demoiselles. « Il existe trois points de charge différents sur l’électrique : à la maison, dans les lieux publics type parkings de supermarchés et dans les stations-services, qui permettent les mobilités longue distance et qui proposent une moyenne de 7 euros pour 100 km. 80% des charges électriques se font à la maison et c’est moins cher, 2 euros les 100 km, mais c’est plus long », précise Sylvain Panas. Quant au GNV (Gaz naturel véhicule), une station a déjà ouvert à Toulouse-Colomiers en 2018 et trois autres sont en projet dans la région : une à Eurocentre, une à Purpan et la dernière à Béziers. |