Toulouse. Airbus et l’Oncopole signent un partenariat inédit pour lutter contre le cancer

Trois géants de l'innovation, Airbus, Accuray et l’Oncopole de Toulouse, se sont unis pour transformer les soins en oncologie. En combinant leurs expertises respectives, ces partenaires ont signé un accord visant à utiliser l'intelligence artificielle (IA) pour prédire et prévenir les dysfonctionnements des équipements de radiothérapie.

Ce partenariat se consacre à la création de solutions basées sur l’intelligence artificielle pour anticiper les problèmes de performance des systèmes de radiothérapie. (Photo : Oncopole)

Ce partenariat se consacre à la création de solutions basées sur l’intelligence artificielle pour anticiper les problèmes de performance des systèmes de radiothérapie. (Photo : Oncopole)

L'IA, souvent associée à des secteurs comme l'aéronautique, trouve ici une nouvelle application dans le domaine médical. Airbus, acteur mondialement reconnu pour ses avancées technologiques en matière de maintenance prédictive, met à disposition son savoir-faire pour anticiper les défaillances des machines de radiothérapie d'Accuray, un fabricant californien d’équipements médicaux de pointe au sein de l'Oncopole. « Chez Airbus, nous avons une expérience de plusieurs décennies dans la conception de modèles prédictifs robustes. En collaborant avec des experts de la santé comme l’Oncopole, nous transformons notre expertise pour répondre aux besoins des patients », explique Klara Wittkowski, directrice du développement de la R&T chez Airbus.

Le défi des pannes

En effet, la technologie Skywise d’Airbus, utilisée par plus de 100 compagnies aériennes pour surveiller en temps réel l'état de leurs appareils, permet déjà de prédire les pannes et d’intervenir avant qu’elles ne deviennent critiques. Ce principe est désormais appliqué aux équipements de radiothérapie, où chaque minute compte pour les patients.

Le bon fonctionnement des machines de radiothérapie est essentiel pour garantir la continuité des soins en oncologie. Chaque panne, même mineure, a des répercussions immédiates sur l'organisation des soins et le bien-être des patients. Elizabeth Moyal, responsable du département de radiothérapie de l'IUCT-Oncopole, confie :

« Nous enregistrons environ deux pannes par mois sur nos sept machines de radiothérapie. Ces pannes peuvent bloquer une machine pendant plusieurs jours, ce qui désorganise considérablement le planning des soins, mobilisant physiciens, médecins et manipulateurs pour réorganiser les séances de traitement des patients. »

Minimiser les interruptions grâce à l'IA

Au-delà des retards dans les soins, ces interruptions de service représentent un coût humain et financier important pour les établissements de santé. Le coût d'une intervention d'urgence pour remettre une machine en état de fonctionnement est élevé, tant en termes de mobilisation d’experts que de remplacement des pièces défectueuses. « Chaque intervention représente un coût significatif, sans compter le stress pour les patients qui doivent souvent attendre la remise en service des machines », ajoute Philippe Degrèze, vice-président marketing d'Accuray. L’objectif du partenariat est clair : minimiser ces interruptions grâce à l’IA.

L'IUCT-Oncopole, un centre de référence en cancérologie basé à Toulouse
Depuis sa création il y a dix ans, cet établissement rassemble sur un même site plus de 2 000 professionnels, constituant ainsi un centre complet dédié à la lutte contre le cancer, labellisé "Comprehensive Cancer Centre". L'Oncopole associe des infrastructures cliniques de pointe à une recherche de renommée internationale, facilitant une collaboration étroite entre des acteurs publics, privés et des partenaires industriels.
Chaque année, l'Oncopole prend en charge plus de 11 000 nouveaux patients, dont plus d'un sur huit participe à des essais cliniques. Le centre regroupe le célèbre Institut Claudius Regaud et plusieurs équipes du CHU de Toulouse. Le département de radiothérapie, dirigé par le Pr Elizabeth Moyal, est reconnu à l’échelle européenne pour la qualité de ses soins et ses projets de recherche innovants. Doté de sept accélérateurs de particules et équipé de toutes les techniques de pointe, dont la curiethérapie, le département traite environ 3 500 patients par an, quelle que soit leur pathologie.

Une innovation au service d’une meilleure prise en charge des patients

La radiothérapie est un traitement crucial dans la lutte contre le cancer, utilisée dans environ 50 % des cas, que ce soit en complément d'autres traitements (chirurgie, chimiothérapie, immunothérapie) ou comme méthode principale. Les chiffres sont impressionnants : chaque année, environ 200 000 patients suivent une radiothérapie en France. À l’échelle mondiale, les projections sont tout aussi alarmantes, avec une augmentation potentielle de 60 % des cas de cancer d'ici 2040 en raison du vieillissement de la population.

Dans ce contexte, l’amélioration de la disponibilité des machines de radiothérapie devient un enjeu de santé publique. « Le futur de l’oncologie se construira avec tous les acteurs capables d’accélérer la recherche et d’améliorer les soins », déclare Jean-Pierre Delord, directeur général de l’Oncopole. « Ce partenariat avec Airbus et Accuray s’inscrit dans notre stratégie d’intégration des nouvelles technologies pour offrir une meilleure prise en charge des patients. »

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« Pour façonner l’avenir de l’oncologie, il est crucial d’impliquer tous les acteurs susceptibles de dynamiser la recherche dans ce domaine. L’expansion de nos partenariats au-delà du secteur de la santé s’inscrit pleinement dans la stratégie de l’Oncopole en matière de données et d’intelligence artificielle », explique le professeur Jean-Pierre Delord, directeur général de l’IUCT-Oncopole. (Photo : Oncopole)

Des premières avancées prometteuses grâce à l’IA

Les premiers tests réalisés par l’Oncopole sur un sous-système clé des machines de radiothérapie, le collimateur multilames, sont encourageants. Cet outil, essentiel pour la précision de l’irradiation des tumeurs, est l'un des composants les plus sollicités lors des traitements. Lorsqu'il est hors d'usage, la machine entière doit être arrêtée, ce qui entraîne des retards considérables. « En s'appuyant sur les données issues d'une vingtaine de machines à travers le monde, nous avons déjà observé une réduction des pannes », précise Laure Vieillevigne, cheffe du département de physique médicale de l'IUCT-Oncopole.

Les équipes d’Airbus ont apporté leur expertise en traitement de données massives pour développer des algorithmes capables de prédire avec précision les défaillances potentielles. « Nous sommes convaincus que l'IA peut non seulement améliorer la disponibilité des machines, mais également offrir une personnalisation des soins, en ajustant les traitements en fonction des données spécifiques de chaque patient », explique Fabrice Jimenez, spécialiste en IA chez Airbus.

Vers une généralisation des solutions prédictives

Si les résultats de cette collaboration continuent de se montrer concluants, il est probable que cette technologie puisse être déployée à grande échelle dans d’autres centres de santé en France et à l’international. « Nous avons déjà démontré l’efficacité de nos systèmes de maintenance prédictive dans l’industrie aéronautique, où les exigences de sûreté et d’explicabilité sont tout aussi critiques que dans le secteur médical », souligne l'un des ingénieurs d'Airbus.

L’intégration de solutions prédictives basées sur l’IA dans le domaine médical pourrait non seulement prévenir les pannes mais aussi réduire les coûts d’exploitation des systèmes, un enjeu d’autant plus pressant face à l’augmentation des cas de cancer à venir. 

Exploiter la puissance des données
Chez Airbus, l’intelligence artificielle (IA) n'est pas seulement un domaine d'innovation, mais un levier stratégique qui redéfinit l'ensemble des processus de l'entreprise. En capitalisant sur la richesse des données, Airbus utilise l'IA comme un avantage concurrentiel majeur, en s'appuyant sur cette technologie pour optimiser ses opérations, développer des solutions innovantes et relever les défis futurs.
L’entreprise a identifié six axes majeurs dans lesquels l'IA jouera un rôle clé au cours des cinq prochaines années. Ces domaines incluent l'extraction de connaissances à partir de données non structurées, la vision par ordinateur permettant de transformer des images et vidéos en informations actionnables, ainsi que la détection d'anomalies pour repérer des schémas cachés dans les vastes volumes de données. Airbus s'intéresse également à l'assistance conversationnelle via des systèmes d'interaction en langage naturel, ainsi qu'à l'optimisation de la prise de décision dans des contextes complexes. Enfin, l'IA est aussi utilisée pour ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine des vols autonomes, conférant à la prochaine génération de véhicules aériens des capacités inédites.

Un avenir où l'IA révolutionne la santé

L’intelligence artificielle appliquée à la santé n’en est qu’à ses débuts. L’approche prédictive pourrait non seulement améliorer la disponibilité des équipements de radiothérapie, mais aussi permettre de personnaliser les traitements en fonction des données des patients, ouvrant la voie à des soins plus précis et efficaces. Les prochaines années pourraient bien voir cette technologie devenir un outil incontournable dans la lutte contre le cancer, réduisant les coûts tout en améliorant les résultats pour les patients.

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